UNIVERSITE D’ECONOMIE ET DES SCIENCES
D’AIX-MARSEILLE
DESS CONTENTIEUX
ET VOIES D’EXECUTION
Mémoire
Présenté par
Arnaud LEANDRI
D’AIX-MARSEILLE
III
Année 2000/2001
Directeur de la
recherche Monsieur le professeur Louis COUPET
TITRE 2 : DE L’OBLIGATION DE QUALIFICATION ISSUE DE LA REFORME DU 28 DECEMBRE 1998
CHAPITRE 1 : Les limites du droit interne
INTRODUCTION
1. Chez
l’homme, classer est naturel. Cette opération permet de savoir à quoi l’on a
affaire et, par conséquent, de connaître le comportement à adopter. Cela
simplifie et cela rassure.
Ce
processus de classification peut être plus ou moins ardu selon les intérêts en
cause. Ainsi, pour les médecins, la technique de classement prend le nom de
diagnostique.
Face à
leurs patients, les praticiens se livrent à un examen médical dans le dessein
de découvrir la pathologie dont souffrent ceux-ci.
Toutefois,
cela n’est pas une fin en soi car la finalité de l’exercice est de déterminer
quel sera le traitement le plus approprié pour obtenir la rémission de la
maladie.
C’est
donc par la recherche de la dénomination de la pathologie que passe la
guérison.
2. Chez
les juristes, cette opération de classification porte le nom de qualification.
Le cheminement intellectuel procède de la même idée que le précédent.
Le
praticien commence par analyser les faits qui lui sont rapportés afin d’en
déterminer la nature. Ensuite, il essaie de les rattacher à l’une des
catégories juridiques existantes. Autrement dit, qualifier c’est
« subsumer les faits sous la règle de droit »[1].
Cependant,
cette opération n’est également pas une fin en soi et n’a d’autre but que de
permettre d’identifier le régime juridique applicable à la cause.
C’est
donc par la recherche de la qualification des éléments du litige que passe la
solution juridique.
3. Dans
le cadre de la présente étude, la qualification ne sera abordée qu’au travers
du procès civil.
Par
conséquent, ne sera pas traité, le processus de qualification qui concerne des
matières, telles que le droit pénal ou le droit administratif, dont le champ
d’application déborde la sphère du litige civil.
La prise
en compte de la spécificité de chacune d’elles nuirait en effet à la qualité de
l’exercice qui ne peut tendre à l’exhaustivité, mais se destine simplement à
être un essai de synthèse d’une problématique essentielle du droit judiciaire
privé sous le nouveau jour du décret du 28 décembre 1998.
4.
Pendant longtemps notre procédure civile a connu une séparation stricte entre
le fait, qui relevait des parties, et le droit, qui était « l’apanage du
juge »[2].
Cette
architecture procédurale était notamment préconisée par Henri MOTULSKY dont les
travaux ont largement influencé la rédaction du Nouveau Code de Procédure
Civile.
Pour
autant, la lettre du Code ne refléta qu’imparfaitement cette vision manichéenne
du procès civil dans la mesure où, un certain nombre de dispositions permettaient
au juge de s’aventurer sur le terrain du fait[3]
et aux parties de s’avancer dans le domaine du droit[4].
Mais, en
dépit de ces infléchissements, le schéma de MOTULSKY était assez bien respecté.
Les parties soumettaient aux magistrats des faits qui pouvaient être qualifiés,
mais il ne s’agissait en aucun cas d’une obligation.
5. Le
schéma s’est à nouveau sensiblement infléchi avec la réforme issue du décret du
28 décembre 1998.
Celle-ci
s’inspire largement du fameux rapport COULON[5]
dont l’ambition affichée était de proposer un certain nombre de solutions
destinées à lutter contre l’engorgement de nos juridictions.
Parmi
l’ensemble des propositions que contenait le rapport, plusieurs d’entre elles
furent reprises par le décret de décembre 1998.
Ce fût
ainsi le cas pour la proposition n°22 qui prévoyait expressis verbis l’obligation pour les parties d’exposer des moyens
en fait et en droit[6].
Désormais,
tant l’assignation (art. 56 NCPC) que les conclusions (art. 753 et 954 NCPC)
doivent contenir une qualification juridique.
6. Ces
dispositions représentent, à notre gré, une innovation majeure pour la
procédure civile[7].
En effet,
pour la première fois des textes imposent aux parties de qualifier leurs
écritures. Cette pratique était certainement, et fort heureusement, répandue
mais, non encore obligatoire.
Or, les
conséquences de la généralisation des conclusions qualificatives sont, sur le
plan juridique, à la fois multiples et positives.
Elles
permettent d’une part, de faire véritablement du procès l’œuvre commune du juge
et des parties et, conduit d’autre part, au respect des principes directeurs du
procès civil parmi les plus fondamentaux que sont le principe dispositif et
celui de la contradiction.
7. Cependant, comme toute réforme, par essence nouvelle, celle de 1998 s’accompagne de nombreuses interrogations dans la mesure où les imprécisions des textes n’ont pas encore étaient levées par la jurisprudence.
À commencer par le choix de la sanction qui doit accompagner la méconnaissance de la nouvelle obligation pour les parties de qualifier. Est-il préférable d’opter pour une nullité pour irrégularité de fond ou pour vice de forme ?
À l’égard de l’office du juge ensuite, la réforme est-elle ou non de nature à influer sur le débat qui porte sur la faculté ou le devoir pour le juge de qualifier ou de requalifier ?
8. La notion de qualification concerne dorénavant autant le juge que les parties. C’est la raison pour laquelle nous optons pour un plan bipartite qui ambitionne de traiter des difficultés liées à la notion de qualification, au travers du rôle des parties au procès (Première partie) d’une part, et au regard de l’office du juge (Deuxième partie) d’autre part.
9. Dans le procès civil, l’écrit et l’oral se croisent. Mais le premier prend largement le pas sur le second si bien que même dans les procédures où l’oralité est le principe, l’écrit se généralise[8].
L’oral a pour lui le charme de la spontanéité et, parfois, la conviction du ton de l’intervenant.
L’avantage de l’écrit est de rester et de permettre une retranscription précise et réfléchie de la pensée.
La qualification est incontestablement mieux servie par la plume que par la parole. Pour s’en convaincre, nous pouvons ouvrir le Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC) qui, même lorsqu’il traite des procédures devant les juridictions d’exception où l’oralité devrait prévaloir, ménage aux parties la possibilité de choisir l’assignation comme mode introductif d’instance[9].
En outre, rien n’interdit aux parties d’avoir recours à l’écrit quel que soit le type de procédure.
Il s’agit, selon nous, de donner des bases solides au débat judiciaire qui s’instaure et d’améliorer la qualité de la solution juridique qui interviendra.
Cependant, il n’est pas tout d’écrire, encore faut-il le faire correctement. Ce qui importe, c’est de respecter les prescriptions du Code de procédure. « La forme sœur jumelle de la liberté » dit-on.
Or, il est unanimement reconnu[10] que, depuis la réforme du 28 décembre 1998, nous sommes passé d’une présence souhaitée de la qualification dans les écritures à une obligation de qualification (Titre 2).
Avant de nous attarder sur cette obligation de qualification nouvellement renforcée, voyons d’abord ce que ce recouvre la notion de qualification (Titre 1).
10. Le juriste procède toujours par qualification. Pour tenter d’appréhender cette notion capitale, nous allons voir, dans un premier temps, quelle définition peut être avancée ainsi que l’historique des liens qui unissent les parties au procès civil à cette notion (Chapitre 1). Puis nous verrons, dans un second temps, les finalités de celle-ci (Chapitre 2).
11. Avant
de voir quelles ont été les relations des parties avec l’obligation de
qualification (Section 2), tentons d’avancer une définition de la notion de
qualification (Section 1).
SECTION 1 : Définition de la notion de qualification
12. Pour
familière et quotidienne qu’elle soit pour le juriste, la définition de la
notion de qualification n’en est pas pour autant évidente.
En outre, s’il la manie régulièrement, il n’a que très peu l’occasion de la définir. L’opportunité nous étant offerte, nous allons tenter d’avancer ici les bases du processus de qualification (§1). Nous nous arrêterons ensuite sur les difficultés directement liées à ce processus (§2).
§1 : Le processus de qualification
13. La mécanique que doit mettre en mouvement le juriste lorsqu’il entend qualifier est à double détente.
Dans un premier temps, il doit avoir à l’esprit les différentes catégories juridiques qui sont à sa disposition (A) et qui constituent la matière première du Droit.
Dans un second temps, il doit vérifier si les éléments de fait, dont il peut rapporter l’existence, sont susceptibles d’être embrassés par telle catégorie juridique ou par telle autre. C’est l’opération de rattachement (B).
A/ Les catégories juridiques
14. Les catégories juridiques sont les matériaux de la qualification. Nous pourrions les définir comme le regroupement de notions et de situations juridiques d’après leurs caractères communs[11]. Elles ne préexistent pas au Droit, mais proviennent de l’observation et de la manipulation de la règle de droit par les juristes.
Pour cela, ils s’affairent à dégager les critères distinctifs d’une catégorie juridique qui doivent absolument dessiner un modèle permettant une comparaison.
Selon Monsieur le Professeur Jean-Louis BERGEL, ce sont des « constructions intellectuelles destinées à une meilleure connaissance, à une meilleure application du droit, à l’amélioration du système juridique »[12].
Chaque catégorie juridique est par essence originale, mais il est possible de dégager certains traits communs.
15. En premier lieu, leur nombre est nécessairement limité. Cette affirmation procède du bon sens puisqu’il n’y aurait aucun avantage à en retirer s’il existait une catégorie pour chaque situation juridique. Leur intérêt ne réside-t-il pas dans le fait qu’elles sont de nature à appréhender un certain nombre de situations similaires aux fins de simplification ?
Dès lors, à l’image de ce que l’on constate pour les nombres premiers dont la quantité est restreinte par le jeu du « plus petit commun multiple », le nombre des catégories juridiques se limite automatiquement par la possibilité de rattachement d’un fait ou d’une situation à une catégorie déjà existante.
Il faut cependant réserver le cas, évidemment très rare, où née une nouvelle catégorie juridique.
En effet, les efforts des juristes, devant une situation originale, pour la faire entrer dans les catégories existantes, ne doivent pas conduire à « violenter inutilement la réalité… Il faut alors sortir… des cadres connus et éprouvés »[13].
16. En second lieu, la distinction est bipartite, ce qui signifie que l’on ne peut être classé que dans une catégorie ou dans celle contraire.
Ainsi, nous sommes capables ou incapables, personnes physiques ou morales, majeurs ou non, les biens sont meubles ou immeubles, les actions sont gracieuses ou contentieuses, …[14].
Les dispositions du Nouveau Code de Procédure Civile peuvent servir d’étai à cette allégation. En effet, en ce qui concerne la catégorie des jugements, la distinction ne porte qu’entre ceux qui sont rendus de façon contradictoire et ceux qui sont rendus par défaut.
Car, s’agissant des jugements réputés contradictoires, ils ne sont qu’une sous-catégorie des jugements contradictoires.
Cette affirmation se vérifie par la proposition suivante : A titre de sanction pour le défendeur négligeant, les jugements réputés contradictoires ne bénéficient pas des règles favorables des jugements par défaut, pour lesquels l’opposition est possible (art. 476 NCPC), mais on leur applique le régime des jugements contradictoires (art. 477 NCPC [15]). Même nature, même régime.
Cependant, rien n’exclut qu’un bien soit rattaché à une catégorie et à certaines de ses sous-catégories. Un bien peut, par exemple, être à la fois meuble et incorporel. En revanche, il ne pourrait être corporel et incorporel.
Donc, encore selon Monsieur le Professeur Jean-Louis BERGEL, « les classifications tripartites ou multipartites procèderaient d’une erreur de méthode dans le choix des critères de détermination des catégories »[16].
Malgré tout, il semble que certaines situations ou certains droits soient hybrides de sorte que leur qualification soit la source de difficultés[17].
17. Le dernier trait commun des catégories juridiques, corollaire du précédent, est leur flexibilité.
Nous pourrions le résumer ainsi : comme la nature, le Droit a horreur du vide si bien que chaque situation devrait normalement pouvoir trouver une catégorie susceptible de la recevoir. La classification a donc une portée exhaustive.
Or, comme nous venons de le voir, la classification est bipartite. Par conséquent, « il faut que, dans chaque classification, si l’une des catégories est limitative, l’autre soit résiduelle »[18] de sorte que la plus malléable puisse accueillir en son sein de nouvelles entités ou de nouvelles notions.
A titre d’illustration nous pouvons citer l’article 516 du Code civil qui dispose que « tous les biens sont meubles ou immeubles ».
Cet aphorisme a conduit la pratique à classer le fonds de commerce ou encore les parts sociales dans la catégorie des meubles (certes incorporels mais il ne s’agit que d’une sous-catégorie).
Ici, les meubles correspondent à la catégorie résiduelle, et les immeubles, à la catégorie limitative.
B/ Le rattachement des faits à une catégorie juridique
18. La seconde phase du processus consiste à vérifier si les faits établis peuvent « recevoir une qualification correspondant à la présupposition qui figure dans la règle dont l’application est envisagée »[19].
Il s’agit alors de faire pénétrer les faits dans le Droit, « de les subsumer sous les termes de la loi ou de la convention, c’est-à-dire qualifier la situation par rapport aux faits auxquels le droit positif attache des conséquences juridiques »[20].
Dans cette seconde phase, le juriste doit prendre en considération tout à la fois les éléments de droit et de fait.
L’opération
de rattachement sera plus ou moins aisée selon que, d’une part, les faits sont clairement
établis ou non, et que, d’autre part, la norme en cause est plus ou moins
précise.
19. Les
faits ne nous arrêteront pas longtemps dans la mesure où nous n’évoquerons pas
les difficultés liées au droit de la preuve, postulant, pour la simplification
du raisonnement, que les faits sont avérés et explicites.
Précisons
simplement que « Toute qualification postule l’existence de certains faits
en même temps qu’elle en exclut d’autres »[21].
Alors
reste la norme.
Si
celle-ci est parfaitement claire, identifiant distinctement les critères
nécessaires à sa mise en œuvre, la confrontation de ces derniers avec les
éléments dont dispose le juriste ne posera pas de difficulté particulière.
Sauf à
aller contra legem[22],
la qualification se révèlera naturellement.
Cependant,
il est des cas où, volontairement, le législateur introduit dans l’ordre
juridique des notions floues, voire au contenu indéterminé[23],
afin de laisser au juge une plus grande faculté d’appréciation.
Les
dispositions des articles 808 et 809 du Nouveau Code de Procédure Civile nous
fournissent les illustrations les plus topiques lorsqu’ils font référence à la
notion « d’urgence » ou de « contestation sérieuse ».
La notion
de « bonne foi » (Art. 1134 C. civ.) ou de « bonnes mœurs »
(Art. 6 C. civ.) sont d’autres parfaits exemples.
Ces
« concepts soupapes » ou autres « paragraphes
caoutchouc » sont nécessaires car ils permettent à la fois d’intégrer
dans l’ordre juridique les réalités et les valeurs sociales du moment, et de
moduler la règle de droit[24].
Mais, il
n’en reste pas moins qu’ils sont la cause d’une certaine insécurité juridique
inhérente à toute imprécision de la règle et qu’ils rendent difficile le
processus de qualification.
§2 : Les difficultés liées au processus de qualification
20. Il
existe deux principaux types de difficultés de rattachement. Le premier est lié
à la variabilité du contenu des catégories juridiques (A), le second provient
du caractère hybride de certaines situations ou notions juridiques à qualifier
(B).
A/ La flexibilité des catégories juridiques
21. Le
Droit n’est pas immuable, il est en perpétuel mouvement, tentant d’épouser les
changements de la société qu’il doit régir.
Cette
évolution s’effectue par marches successives, dont la hauteur varie selon les époques
et les débats, et dont la rectitude des angles est adoucie par la jurisprudence
qui tient souvent lieu d’oracle pour des modifications législatives
inéluctables.
Il est
d’ailleurs tout à fait sain que la règle de droit ne soit pas immuable dans la mesure
où elle tend à l’exhaustivité et qu’elle ne préexiste pas à l’Homme mais
procède de ses comportements.
Par
exemple, la notion de bonnes mœurs n’est pas entendue aujourd’hui comme elle
l’était par les rédacteurs du Code civil en 1804 qui ne pouvaient non plus
imaginer ce que sont les télécommunications modernes ou le nucléaire.
Nous
pouvons ajouter que cette analyse est valable pour l’avenir.
22. Mais,
la difficulté, en ce qui concerne la qualification, ne résulte pas de la
mobilité du Droit, mais du décalage qu’il existe nécessairement entre celui-ci
et la situation qu’il a à appréhender.
En effet,
le Droit évolue moins vite que la société dont les comportements augmentent de
façon exponentielle et dans des directions parfois insoupçonnées par le législateur,
si bien qu’il y a un temps d’adaptation pour la mise en place de la règle (sauf
les rares cas où il y aurait eu anticipation de la norme sur les
comportements).
C’est
dans ce laps de temps que le travail de qualification du juriste est particulièrement
délicat car il doit utiliser des catégories juridiques dont les critères, tels
qu’ils sont habituellement entendus, ne sont plus adaptés.
C’est à
ce moment-là que le rôle de l’avocat ou de l’avoué est particulièrement
important et que se trouve légitimé leur titre d’auxiliaires de Justice,
puisqu’ils font œuvre de Droit.
Leur
perspicacité et pugnacité cumulées seront le bélier qui permettra d’emporter la
conviction de leurs juges et aboutiront, à l’issue d’efforts répétés, à la
modification des critères de mise en œuvre de la règle, voire,
exceptionnellement, à la création d’une catégorie juridique nouvelle.
B/ Les situations hybrides
23. Une
autre difficulté à laquelle peut se heurter le processus de qualification est
la collision avec une situation ou une notion hybride.
Normalement,
la classification étant bipartite, le choix d’une catégorie est exclusif d’un
autre[25].
Cependant,
il y a des hypothèses dans lesquelles une même situation pourrait se rattacher
à deux catégories opposées car elle emprunte à la fois à l’une et à l’autre, si
bien qu’il est difficile de se prononcer définitivement pour l’une ou l’autre
des qualifications.
Or, la
question est d’importance puisque, comme nous le verrons plus bas, de la
qualification découle le régime.
24. La
contrainte par corps paraît être une parfaite illustration.
Il s’agit
de la prison pour dette.
Aujourd’hui
son champ est réduit puisqu’elle est uniquement admise au profit du Trésor
Public pour le défaut de paiement d’amende fiscale, de frais de justice ou
encore de condamnation pécuniaire en matière douanière.
Le
premier obstacle à surmonter est de déterminer la règle applicable car de
nombreux textes connaissent de la contrainte par corps.
Ainsi, le
Code de Procédure Pénale pose dans ses articles 749 à 762 le régime commun
(auxquels il faut rajouter les articles 710 et 711 pour la compétence
juridictionnelle, parfois difficilement conciliable avec l’article 756[26]).
Le Code
des Douanes (art. 382 et 388) ainsi que le Code de la Santé Publique (art. L.
627) y ajoutent en matière d’infraction douanière comme le fait le Livre de
Procédure Fiscale (art. L. 271 et L. 272) en matière fiscale.
Cette
pléthore de textes applicables est un révélateur de la difficulté de la tâche,
mais il n’est que le premier.
En effet,
une fois la notion révélée, faut-il encore la rattacher à une catégorie
juridique. Ici, concrètement, il faut choisir entre peine et mesure d’exécution[27].
25. Ce
débat passionne la doctrine depuis longtemps. Voyons rapidement quels en sont
les termes.
Au
départ, nous avons une notion juridique, la contrainte par corps, qu’il faut
bien qualifier afin que nous puissions déterminer le régime applicable.
Or, selon
que l’on s’arrête sur tel trait plutôt que sur tel autre, le curseur oscille
entre peine et voie d’exécution.
Ainsi, si
l’on emprisonne quelqu’un ou si on le laisse plus longtemps dans sa cellule,
c’est nécessairement qu’il s’agit d’une peine.
Pourtant,
quelle étrange peine de prison que celle à laquelle on peut échapper en payant
sa dette (art. 759 CPP) ou en rapportant la preuve de son insolvabilité (art.
752 CPP) ou encore en s’abritant derrière son état civil (art. 751 et 753 CPP).
De même,
comment expliquer que le condamné, une fois libéré, continue à être redevable
envers le Trésor des sommes qui l’ont conduit en maison d’arrêt (art. 762)
?
Si ce
n’est pas une peine, c’est donc qu’il s’agit d’une voie d’exécution. Mais
alors, pourquoi le juge de l’exécution, auquel l’article L. 311-12-1 du Code de
l’Organisation Judiciaire attribue compétence exclusive en matière de voies
d’exécution, ne serait-il pas ici compétent ?
26. Ces
contradictions se retrouvent immanquablement dans les décisions
juridictionnelles. Cela est de nature à augmenter encore, s’il en était besoin,
la difficulté de la recherche d’une qualification, d’autant que la question
oppose la Cour de Cassation à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
La Haute
Cour française considère traditionnellement[28]
que la contrainte par corps est une mesure d’exécution forcée. On peut ainsi
lire dans un arrêt de la Chambre criminelle du 26 juin 1989 que « la
contrainte par corps n’est pas une peine mais une voie d’exécution, attachée de
plein droit aux condamnations pécuniaires prononcées par les juridictions
répressives ». La Cour de cassation semble s’attacher au caractère
comminatoire de la mesure.
27. De
son côté, la Cour de Strasbourg, dans un arrêt JAMIL contre France du 8 juin
1995, range la contrainte par corps parmi les peines.
Les faits
de l’espèce étaient particulièrement patents car, si la qualification de mesure
d’exécution était retenue, une modification législative étant intervenue après
la commission des faits, le sieur JAMIL, ne pouvant arguer du principe de la
non-rétroactivité in pejus des lois
pénales, aurait passé deux ans en prison au lieu des quatre mois[29]
initialement prévus.
Pour
justifier son point de vue, la Cour européenne reprend mutatis mutandis les critères qui lui avaient permis de déterminer
le contenu de la notion de sanction pénale (dans les arrêts ÔZTÜRK[30]
et ENGEL[31]),
essentielle à l’application de l’article 6§1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Pour
celle-ci « on ne saurait assimiler pareille mesure à la saisie mobilière
ou immobilière que citait le gouvernement » tout au contraire,
« prononcée par la juridiction répressive et destinée à exercer un effet
dissuasif, la sanction infligée à M. JAMIL pouvait aboutir à une privation de
liberté de caractère punitif. Elle constitue donc une peine ».
On ne saurait
être plus clair et l’on aurait pu penser que les magistrats du quai de
l’horloge se ralliraient à la position des magistrats du bord de l’Ill.
Pourtant,
dans un arrêt du 24 septembre 1996, la Chambre criminelle a confirmé sa
jurisprudence dans un attendu qui ne laisse aucune place à
l’interprétation : « Attendu qu’en effet, la contrainte par corps
constituant une mesure d’exécution forcée des peines pécuniaires, au sens de
l’article 112-2-3e du Code pénal, sa durée ne saurait être réduite
en application des dispositions des articles 721 et 721-1[32]
du Code de procédure pénale, relatives aux seules peines
d’emprisonnement ».
Cette
divergence de vues devrait valoir à la France d’autres condamnations, mais pour
rester dans notre sujet, elle rend surtout aléatoire toute tentative de
qualification et est la cause d’une insécurité juridique qui peut confiner au
déni de justice[33].
28. La
contrainte par corps n’est qu’un exemple de situations hybrides comme il en
existe beaucoup. Il ne s’est agi que de révéler, de manière concrète, quelles
étaient les difficultés qui pouvaient être liées au processus de qualification.
En dépit
de celles-ci et de la part de risque inhérente à tout choix, l’opération de
qualification est incontournable.
Elle doit
forcément intervenir à un stade ou à un autre du procès. D’une manière
générale, on la découvre dans les écritures des parties, ou exceptionnellement
à l’oral.
Voyons
maintenant quels liens les parties au procès civil ont historiquement
entretenus avec cette notion de qualification.
SECTION 2 : Historique de l’obligation de qualification
30. Quoique l’on puisse parfois en douter en effectuant des stages en Cabinet ou en Juridiction, la qualification a toujours été la règle du jeu judiciaire.
Elle est normalement inhérente à la profession d’avocat (§1). Le législateur, quant à lui, l’a rapidement prise en compte, mais ne l’a que récemment imposée (§2).
§1 : La déontologie de l’avocat
31. À titre liminaire, il faut relever que l’avocat possède le titre d’auxiliaire de justice[34]. Il s’agit d’une charge lourde de conséquences, notamment sur le terrain de la qualification.
Cela signifie, qu’avec le juge, il participe à l’élaboration de la solution du litige. Or, celle-ci est nécessairement fondée en droit. Donc, pour remplir sa mission, l’avocat doit soumettre à la sagacité de son juge les moyens de droits qui lui paraissent les plus aptes à faire triompher les prétentions de son client.
En toute hypothèse « il ne saurait être un simple intermédiaire formel, une boîte aux lettres au mieux fidèle »[35].
De manière indirecte, il contribue donc à la qualité de cette solution.
32. La même obligation prévaut dans les rapports contractuels qu’il entretient avec ses clients.
En effet, les devoirs d’assistance et de conseil impliquent indubitablement qu’il qualifie les faits qui lui sont rapportés.
Nous verrions mal quel serait l’intérêt de prévoir des procédures avec représentation obligatoire sans qu’aucune obligation de qualification ne soit attachée à l’office de l’avocat.
Il en va de la déontologie et de l’éthique de la profession.
L’avocat doit donc ordonner les éléments du litige qui se prépare, demander des précisions et enfin élaborer la stratégie la plus pertinente, ce qui inclut nécessairement la détermination des règles de droit applicables à l’espèce.
C’est en fonction du résultat de cette recherche que le justiciable et son conseil pourront apprécier l’opportunité d’une action, ses chances de succès ou ses risques d’échec.
Notons dès à présent qu’à défaut, sa responsabilité professionnelle pourra être recherchée[36].
§2 : La législation
33. Henri
MOTULSKY constatait, avant la réforme du 28 décembre 1998, que « le
demandeur n’est (pas) tenu, en l’absence de toute exigence législative, de
faire état de la qualification des éléments matériels dont il se
prévaut », mais à l’auteur de rajouter « que les conseils des parties
invoquent, le plus souvent, des textes ou des principes juridiques, c’est ce
qui est l’évidence même : le simple désir de gagner le procès incite à
suggérer au juge une solution de droit déterminée »[37].
Ce
constat éclairé de bon sens montre que la règle a toujours été la présence de
qualification dans les écritures comme l’implique la déontologie de l’avocat.
34. Cependant,
il n’y avait point d’obligation légale si bien que rien n’empêchait un avocat,
s’il y trouvait intérêt[38],
de ne pas qualifier et de soumettre les faits bruts au magistrat.
Au mieux,
pouvait-on prendre appui sur les dispositions de l’article 12 du NCPC pour
tenter de faire valoir une obligation implicite de qualification.
En effet,
aux termes de l’alinéa 2 de ce texte « (le juge) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux
faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties
auraient proposée ».
L’emploi
du verbe « restituer » interpelle. Il évoque l’idée que le juge doit
modifier la qualification indûment retenue par les parties. Il est donc logique
de penser que ceux-ci ont préalablement qualifié.
L’alinéa
3 du même article sous-tend la même idée lorsqu’il énonce que « (le juge)
peut relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les
parties ».
Certes,
cet alinéa a été annulé par le Conseil d’Etat par sa décision du 12 octobre
1979[39],
mais la Haute juridiction avait alors entendu faire respecter le principe de la
contradiction ce qui ne remet pas fondamentalement en cause l’esprit qui a
prévalu à la rédaction de cette formule[40].
Malgré
ces efforts d’exégèse, il semble que l’obligation de qualification tenait
davantage de l’éthique des conseils des parties que d’une véritable obligation
légale.
35. Dorénavant, les choses sont tout autre. Le droit positif, issu du décret du 28 décembre 1998[41], est débarrassé de toute ambiguïté quant à l’obligation ou non de qualifier. Aujourd’hui les parties au procès ont le devoir de qualifier, plusieurs dispositions du NCPC l’affirment.
Pour commencer, l’article 56 du Nouveau Code de Procédure Civile précise que l’assignation doit contenir « un exposé des moyens en fait et en droit ».
Cette disposition, qui reprend la proposition n°22 du rapport COULON, introduit de façon formelle et explicite l’obligation de qualification. Pour s’en convaincre, il suffit de se rapporter au chapitre VI de ce rapport intitulé « une meilleure instruction du procès par une plus grande formalisation des procédures ».
Cette lecture nous renseigne, d’une part, sur les motivations de l’auteur de la proposition et, d’autre part, sur son contenu.
Il semble que Jean-Marie COULON ait voulu faire participer davantage les auxiliaires de justice à la bonne marche du procès[42] car « il existe une corrélation étroite entre le travail du magistrat et celui de l’avocat, et la qualité d’un jugement est largement tributaire de celle des conclusions, des plaidoiries et des dossiers remis au tribunal[43] ».
Selon le magistrat, cette responsabilisation des conseils des parties passe par la motivation de facto et de jure des écritures.
36. La réforme a donc été étendue aux conclusions, tant en première instance (art.753 NCPC) qu’en appel (art. 954 NCPC).
Aux termes de ces deux articles, « les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ».
La situation est désormais limpide, tout au long du procès, les parties doivent qualifier dans le but d’apporter au litige une solution juridiquement acceptable.
Néanmoins, certaines zones d’ombre peuvent subsister. Mais avant de les aborder dans le détail, interrogeons-nous sur les finalités de l’opération de qualification.
37. La
qualification n’est pas une fin en soi, elle n’a d’autre intérêt que de permettre
de déterminer quel sera le régime applicable. Elle sera alors une arme
redoutable à la disposition des parties au procès.
Grâce à
celle-ci, et à condition que la pertinence des arguments soit suffisante pour
emporter l’adhésion du juge, les plaideurs essaieront d’aboutir à l’application
du régime juridique qui sera le plus favorable à leur cause.
Cette
manœuvre pourra se vérifier tant au niveau des règles du procès (Section 1),
que sur le fond du droit (Section 2).
En outre,
le fait de qualifier apporte de manière incidente une contribution non
négligeable à l’œuvre de justice (Section 3).
SECTION 1 : Les finalités de la qualification au regard des règles du procès civil
38. En matière de droit procédural également, le processus de qualification doit permettre d’établir quel est le régime juridique applicable (§2).
Mais avant cela, la qualification va permettre de respecter les grands principes directeurs du procès civil (§1).
§1 : Qualifier permet de respecter les principes directeurs du procès civil
39. C’est avec deux des principes directeurs du procès civil les plus importants que la qualification a le plus de liens.
La qualification est, par essence, un élément du principe dispositif (A). Elle permet également le respect du principe de la contradiction (B).
A/ Le principe dispositif
40. « Le principe dispositif donne aux plaideurs, à l’exclusion du juge, la maîtrise de la matière du procès »[44]. Cela signifie que les parties déterminent librement et concurremment l’objet et la cause de la demande.
Le premier étant traditionnellement l’avantage socio-économique qu’attend le demandeur et que lui refuse le défendeur. La seconde étant la somme des éléments factuels qui étayent les positions des parties.
Contrairement au principe accusatoire, qui est aujourd’hui largement pondéré par les pouvoirs sans cesse grandissants des magistrats de la mise en état, le principe dispositif est toujours aussi vigoureux dans la procédure civile moderne.
Ce principe est essentiellement contenu dans les dispositions des articles 4, 5 et 7 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il de dégage de ces articles que les parties fixent les termes du débat judiciaire par les éléments de fait et de droit que contiennent l’assignation et les différents jeux de conclusions qui la suivent.
Deux règles fondamentales découlent directement de ce principe.
La première est que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé, sous peine de statuer infra petita ou de déni de justice, et seulement sur ce qui et demandé, sous peine de statuer ultra petita et de rompre son devoir d’impartialité.
La seconde est qu’il ne peut pas fonder sa décision sur des faits qui ne seraient pas dans le débat.
Toutefois, des atténuations doivent immédiatement être apportées aux développements qui précèdent tant en ce qui concerne les moyens de fait que de droit.
41. En ce qui concerne les premiers, il est à noter que si le juge ne peut sortir des éléments du débat (art. 7 al. 1), il peut tout de même motiver sa décision sur des faits, qualifiés d’adventices par la doctrine[45], c’est-à-dire sur des faits qui étaient bien contenus dans les conclusions des parties mais qui ne sous-tendaient pas directement leurs raisonnements juridiques (art. 7 al. 2).
Dans cette mesure, la qualification qui, souvenons-nous, « postule l’existence de certains faits en même temps qu’elle en exclut d’autres »[46], peut se révéler être une arme à double tranchant.
Rappelons également que le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait (art. 8) et de droit (art. 13) qu’il estime nécessaires à la solution du litige et qu’il a « le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles » (art. 10).
42. En ce
qui concerne les seconds, la lecture de l’article 12 du Nouveau Code de
Procédure Civile nous renseigne à la fois sur ce que nous pourrions appeler le
droit commun de la qualification (alinéas 1, 2) et sur le droit spécial (alinéa
3).
Comme nous l’avons vu plus haut, les parties ont l’obligation de qualifier. Sans trop anticiper sur la rédaction de notre travail, nous pouvons d’ores et déjà nous demander si le juge est tenu par les qualifications des parties[47] ?
En raisonnant à partir d’une acception rigoriste du principe dispositif, nous arriverions à une réponse positive.
Cependant, il ne semble pas que cela soit le cas tant en raison de la lettre que de l’esprit de l’article 12.
Etant donné que la lettre nous retiendra plus tard, voyons l’esprit.
43. À ce stade de notre raisonnement, il pourrait tenir tout entier dans l’alinéa 3 du texte. En effet, celui-ci dispose que « (le juge) ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ».
Un raisonnement a contrario permet d’avancer que si les parties ne l’ont pas expressément lié par leurs qualifications, le juge n’est pas tenu.
Mais ce qui nous retiendra davantage pour l’heure, dans une première partie consacrée au rôle des parties au procès, c’est l’immense pouvoir que confère ce texte.
Certes, les conditions d’application sont strictes. Il faut d’abord qu’un accord exprès soit intervenu entre les parties, une simple concordance entre les conclusions des parties sur le fondement juridique ne suffirait pas[48]. Il faut ensuite qu’il porte sur des droits dont elles ont la libre disposition.
La première condition a pour but de protéger les parties car ce pouvoir peut s’avérer redoutable tant il est propice aux manœuvres. Les parties pouvant, par exemple, se cacher des éléments du litige.
La seconde condition permet de sauvegarder l’ordre public. Puisque la qualification emporte des règles de compétence[49], on en arriverait, sans cette limite, à permettre aux parties d’imposer au juge qu’il méconnaisse des principes tels que la hiérarchie des ordres de juridictions ou la séparation de l’ordre judiciaire et administratif.
Malgré
tout, cette disposition est un formidable révélateur de l’influence que peuvent
avoir les qualifications dans le procès civil.
En effet, dans les circonstances qui nous occupent, par une sorte de magnificence du principe dispositif, elles peuvent aller jusqu’à « contraindre le juge à appliquer un texte erroné »[50].
B/ Le principe de la contradiction entre les parties
44.
Principe cardinal de toute procédure, il est protégé par les normes les plus
élevées de notre ordre juridique notamment par le truchement de la notion de
« droit de la défense ».
Ainsi,
pour le Conseil Constitutionnel s’agit-il d’un principe fondamental reconnu par
les lois de la république[51]
(Pr. Const. 27 oct. 1946, al. 1er).
Pour la
Cour Européenne des Droits de l’Homme c’est un élément fondamental du procès
équitable (art. 6§1 CEDH) qui « implique, pour une partie, la faculté de
prendre connaissance
des
observations ou pièces produites par l’autre, ainsi que d’en discuter »[52].
En ce qui
concerne la procédure civile, le principe de la contradiction est contenu dans
les dispositions de l’article 16 du Code.
Ce
principe joue aussi bien dans les relations entre le juge et les parties,
qu’entre les parties elles-mêmes.
Enfin, ce
principe intègre à la fois les moyens de fait et les moyens de droit.
45. La
relation entre la qualification et le principe de la contradiction force alors
l’évidence. Que penser, au regard de ce qui vient d’être évoqué, d’une
assignation si mal ou si peu qualifiée en droit qu’on n’y saurait lire ce qui
est reproché au défendeur ou demandé au juge ?
Même si,
contrairement à la procédure pénale, la liberté n’est pas en jeu, il n’en reste
pas moins que l’intérêt du litige peut être considérable et qu’en tout état de
cause, la contradiction ne doit jamais disparaître.
Fort
heureusement, l’article 765 autorise-t-il désormais le magistrat à demander aux
parties de mettre leurs conclusions en conformité avec les dépositions de
l’article 753 du Nouveau Code de Procédure Civile, permettant de clarifier le
débat et de respecter le principe de la contradiction.
§2 : Qualifier permet de déterminer le régime procédural applicable
46. Inévitablement, la qualification conduit au régime juridique. C’est sa raison d’être et la règle vaut tant pour la forme que le fond[53] du procès.
En effet, c’est la mise en oeuvre de ce régime qui conduit à la solution concrète du litige. Tout romantisme juridique mis à part, c’est la fin qui compte, peu important les moyens.
Or, la procédure civile est une sorte de procès dans le procès. Chaque point de droit sera discuté par les plaideurs soit qu’ils veuillent faire évoluer l’instance dans le sens de leurs prétentions, soit qu’ils essaient de contrer la stratégie de leur adversaire.
47. Dans cette partie d’échec, la qualification fait office de pièce maîtresse. Prenons quelques exemples.
Selon qu’un habile conseil saura faire admettre la qualification d’expertise plutôt que celle de complément d’information, l’appel immédiat sur le fondement de l’article 272 alinéa 1[54] du NCPC sera recevable ou non[55], ce qui peut représenter un gain de temps considérable.
De même, les règles de compétence rationae loci ou rationae materiae sont propices à la chicane car les avocats trouvent toujours avantage à plaider devant les juges de leur ressort.
L’attribution à une juridiction emporte l’application des règles de procédure correspondantes. C’est souvent une donnée importante du procès. Or, la qualification permet d’osciller d’une compétence à une autre.
Enfin comment ne pas parler des fins de non recevoir, véritables « coups du berger » qui mettront l’adversaire échec et mate en un tournemain, l’empêchant de continuer la partie : Qu’un plaideur parvienne à établir, dans ses écritures, « le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription, le délai préfix (ou) la chose jugée » (art. 122 NCPC) et il sera sûr de l’emporter.
SECTION 2 : Qualifier permet de déterminer le régime juridique applicable au fond du droit
48. Il n’est pas toujours possible de gagner un procès grâce à la maîtrise des règles de procédure si bien que, dans la majorité des litiges, il est nécessaire de reporter le front sur le fond du droit.
Une fois encore, la qualification sera le pont qui mènera à la victoire. C’est autour de lui que se concentreront les combats.
Nous ne
nous étendrons pas ici car le mécanisme développé plus haut pour les règles de
procédure vaut également pour le fond du droit. Cependant, de rapides exemples.
49. L’idée est toujours la même, la qualification mène à un régime juridique dont la mise en œuvre doit apporter un avantage concret au client de l’avocat.
Le droit des affaires nous fournit un exemple topique de l’enjeu des qualifications à travers le mandat d’intérêt commun.
Il s’agit du mandat dans lequel est présente une volonté de collaboration qui exige que le mandataire agisse aussi bien dans son propre intérêt que dans celui du mandant[56].
Il constitue une sous-catégorie du mandat de droit commun que le Code civil consacre dans ses articles 1984 et suivants.
La différence de nature est assez ténue puisqu’elle repose tout entière sur le critère sibyllin « d’intérêt commun ».
Comme nous l’avons précédemment exposé, plus vagues sont les critères, plus grande sera la latitude des parties de qualifier.
Or, bien que les notions soient proches, les régimes diffèrent radicalement.
En effet, si dans le mandat de droit commun, le mandant peut librement révoquer le mandataire (art. 2004 C. Civ.), dans le mandat d’intérêt commun la règle est écartée[57].
Dans ce dernier cas, le mandat ne peut être révoqué que par mutuus consensus, pour une cause légitime reconnue en justice (comme la négligence du mandataire) ou en application des clauses et conditions prévues par le contrat.
Si ces
conditions ne sont pas respectées le mandant devra verser au mandataire une
indemnité compensatrice dont le montant peut être extrêmement élevé puisqu’il
doit correspondre au préjudice subi.
50. Dans un autre registre mais d’une manière tout aussi spectaculaire, la qualification peut permettre d’éviter une nullité.
Prenons l’hypothèse d’une lutte pour la qualification de nullité relative ou de nullité absolue. Le régime de la première prévoit la possibilité de la confirmation (art. 1338 C. civ.) qui est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce Le délai de prescription est quant à lui de cinq ans.
En revanche, dans le régime de la nullité absolue, la possibilité d'une confirmation n'est point prévue. Le délai de prescription est de trente ans.
51. Toujours dans le droit des obligations, nous rencontrons la classique bataille qui porte sur les notions d’obligation de résultat ou de moyen. Leurs régimes diffèrent fondamentalement, en particulier sur les terrains de la présomption et de la preuve. Bien souvent, la partie se jouera sur cette qualification car lorsque l’obligation retenue est de résultat, la partie sur laquelle repose la charge de la preuve devra rapporter une probatio diabolica.
A côté de ces finalités directes et objectives, en gravite une autre, plus incidente mais peut-être aussi déterminante.
SECTION 3 : Qualifier permet d’améliorer le rendement de la justice.
52. Outre le fait que la qualification permettra de fixer (voire d’imposer[58]) les termes du litige et de déterminer le régime juridique à mettre en œuvre, le rendement de la justice se trouvera amélioré.
En effet, nombre de praticiens, magistrats et avocats, déploraient le recul de la généralité de la règle de droit.
Ainsi, selon Monsieur le professeur Christian ATIAS, « dans nos prétoires et de nos jours, plus de deux litiges sur trois sont tranchés en fait »[59].
De son côté, Monsieur le Premier Président CHAZAL de MAURIAC se plaignait que les avocats (et les avoués en appel) ne présentent pas au juge des conclusions pleinement opérationnelles, ce qui complique, alourdit et par suite retarde sa tâche[60].
Or, étant donné que la qualité d’une décision de justice dépend aussi de la qualité des conclusions des parties et qu’elle-même dépend de la qualité de la qualification qui s’y trouve, nous ne craignons pas de dire que qualifier c’est contribuer à améliorer la justice.
A partir du moment où le juge à qui l’on demande de trancher un litige « sait ce qui lui est définitivement demandé, sur l’affirmation et la négation de quels fondements factuels et juridiques, celui-là doit avoir plus de facilité et de rapidité à trancher »[61].
Cet avantage indirect, en termes de célérité, participe du reste pleinement à l’objectif de lutte contre l’engorgement de nos juridictions qui est la matrice du rapport COULON.
L’amélioration de la qualité des jugements, quant à elle, procèdera du fait que le magistrat aura plus de temps pour répondre au problème juridique posé, averti qu’il sera de la qualification soutenue par chacune des parties.
Il n’aura plus à « s’enquérir de la question »[62].
Ce sont sans doute ces considérations qui ont conduit J. M. COULON à insérer dans son rapport éponyme l’obligation, pour les parties, de remettre à leur juge des conclusions qualificatives[63].
TITRE 2 : DE L’OBLIGATION DE QUALIFICATION ISSUE DE LA REFORME DU 28 DECEMBRE 1998
53. Parmi les avancées majeures que contient le décret du 28 décembre 1998[64], l’obligation de qualification est assurément une des plus importante non seulement pour ses répercussions pratiques, mais également par son ampleur (Chapitre 1).
Toutefois, pour mesurer de manière effective l’importance que revêt une norme, il est nécessaire de se reporter aux sanctions qui s’attachent à son inobservation (Chapitre 2).
54. Nous avons
vu, qu’opportunément, la prise en compte du rapport COULON a permis d’insérer
dans notre procédure civile l’obligation de qualifier.
Cependant, il nous reste encore à déterminer, dans un premier temps, quels sont les moments précis de la procédure où doit intervenir la qualification (Section 1).
Dans un second temps, nous nous attacherons aux difficultés qui découlent de la combinaison de cette obligation avec les règles des procédures sans représentation obligatoire (Section 2).
SECTION 1 : Les moments de la qualification
55.
L’ampleur de la réforme est considérable puisqu’elle s’étend depuis
l’assignation (§1) jusqu’aux dernières conclusions (§2).
Les
développements qui vont suivre ne concernent que la procédure contentieuse avec
représentation obligatoire.
§1 : L’assignation
56.
L’article 55 du Nouveau Code de Procédure Civile définit l’assignation comme
« l’acte d’huissier par lequel le demandeur cite son adversaire à
comparaître devant le juge ». C’est avec elle que née l’obligation de
qualification (art. 56 NCPC) puisqu’elle constitue le premier acte de
procédure.
Toutefois,
l’assignation n’est pas un mode exclusif de saisine des juridictions car, comme
nous le verrons plus bas[65],
dans certains cas une requête conjointe, une simple déclaration au greffe,
voire la présentation volontaire des parties suffit.
Néanmoins
c’est souvent par la lecture de cet acte que le défendeur connaîtra les
prétentions du demandeur ce qui lui permettra de préparer sa défense qui aura
notamment pour objectif de remettre en cause la qualification avancée.
Toutefois, elle ne nous retiendra pas longuement ici dans la mesure où les seules vraies difficultés qui s’y rattachent, en raison de la réforme, se rencontrent dans les procédures sans représentation obligatoire que nous traiterons plus bas[66].
En revanche, les conclusions vont nous arrêter davantage.
§2 : Les conclusions
57. Selon Monsieur le professeur Serge GUINCHARD, ce sont « des actes d’avocat à avocat ou d’avoué à avoué qui, au travers d’une argumentation appuyée sur des moyens de droit et de fait, fixent les prétentions des parties sur lesquelles le juge doit statuer »[67].
Plus prosaïquement, il s’agit d’échanges épistolaires entre les parties qui constituent la phase d’instruction du litige (sauf, s’il y a lieu, l’intervention du magistrat de la mise en état) qui débutent avec l’assignation (celle-ci valant d’ailleurs conclusion selon l’article 56 du NCPC in fine) et prennent fin avec l’ordonnance de clôture (art. 783 NCPC). Toutefois, des difficultés peuvent surgir avec le dépôt de conclusions tardives (A).
Depuis la réforme de décembre 1998, aux termes des articles 753 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, les conclusions doivent contenir, en première instance et en appel, les moyens de fait et de droit.
Cependant cette obligation de qualification n’est pas le seul apport du décret en ce domaine puisqu’il est également prévu que ces conclusions doivent être récapitulatives (B).
A/ Les conclusions de dernière minute
58. Les parties doivent à la fois conclure et qualifier tout au long de la phase qui prépare l’audience des plaidoiries.
Cette première partie du procès qui est, au civil, de loin la plus importante, prend fin, comme l’indique l’article 782 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec le prononcé de l’ordonnance de clôture.
Cela
signifie, et pour rester dans notre sujet, que les parties ne peuvent soumettre
de nouvelles qualifications à la sagacité du juge et à la contradiction de
leurs adversaires tout autant que cette ordonnance n’a pas été rendue.
En effet, l’alinéa 1er de l’article 783 du Nouveau Code de Procédure Civile commande l’irrecevabilité d’office, sauf les exceptions prévues par le deuxième alinéa du texte, de toutes les conclusions déposées postérieurement.
59. Cependant, s’est posée la question de savoir quel sort il devait être réservé aux conclusions déposées très peu de temps avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, voire, le jour même.
Techniquement, la lettre de l’article 783 est respectée puisque par définition ces conclusions de dernière minute sont antérieures à l’ordonnance de clôture.
Toutefois, le raisonnement achoppe lorsqu’on le met en perspective avec le principe de la contradiction que consacrent les articles 14 à 17 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En effet, l’article 15 dispose que « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve quelles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».
Il semble que la validité des conclusions tardives soit remise en cause au regard du principe de la contradiction, ce d’autant que les dispositions de l’article 779 du Nouveau Code de Procédure Civile impose que la date de la clôture soit la plus proche possible de celle fixée pour les plaidoiries, ce qui priverait l’adversaire du temps nécessaire pour préparer sa riposte.
La jurisprudence a souvent eu à se prononcer sur la validité de ces conclusions de dernière minute et il semble bien qu’aucun critère formel ne puisse être dégagé.
Les juges du fond doivent souverainement apprécier, au cas par cas, selon la date du dépôt, de la difficulté de l’affaire et du comportement des parties, si le principe du contradictoire a été bafoué ou non.
Il paraît tout de même qu’ils accueillent restrictivement ce moyen d’irrecevabilité, préférant laisser ces discussions aux instances disciplinaires[68].
B/ Les conclusions récapitulatives
60. Les rédacteurs du décret du 28 décembre 1998 ont non seulement opté pour des conclusions qualificatives mais également pour des conclusions récapitulatives.
Les articles 753 et 954 du Nouveau Code de Procédure Civile, reprenant à un mot près la même formule, disposent que « les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions [écritures pour 954] les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal [la cour] ne statue que sur les dernières conclusions déposées ».
Cette obligation de reprise concerne au premier chef les qualifications que le plaideur diligent prendra soin de faire figurer, dans ses conclusions, tout au long de l’instance (1).
Mais il devra également, s’il y a lieu, les reprendre en appel pour ne pas se voir refuser la voie de la cassation au motif que le moyen serait nouveau (2).
1- La reprise des qualifications durant l’instance
61. L’arrivée des conclusions récapitulatives a diversement été appréciée selon que l’on se situe du côté des magistrats ou du côté de celui des conseils des parties.
Pour les premiers, qui sont les instigateurs de la réforme, il s’agit d’une disposition salutaire qui doit permettre de gagner un temps précieux en facilitant le traitement des dossiers. Pour conforter leur point de vue ils prennent volontiers l’exemple des procès en matière d’urbanisme où le nombre des parties et la complexité des affaires rendent les écritures quasiment inextricables[69].
A l’opposé, les conseils redoutent le caractère systématique des conclusions récapitulatives, qu’ils perçoivent comme un surcroît de travail, ainsi qu’un risque d’aseptisation du procès[70].
Outre ces divergences d’appréciation, le texte de la réforme a suscité un certain nombre de difficultés et d’interrogations.
62. En premier lieu, les praticiens se sont posés la question de savoir ce qu’il fallait entendre par « dernières conclusions ». Devait-il s’agir des dernières en date ou des dernières avant l’ordonnance de clôture ?
Saisie pour avis[71] par la Cour d’appel de Paris, la Cour de cassation s’est prononcée le 10 juillet 2000 dans le sens d’une reprise dans « toutes les conclusions successives, en demande ou en défense avant la clôture de l’instruction »[72].
Cette position rigoureuse de la Haute cour s’accompagne tout de même de limites puisque ne sont visées que les conclusions « qui déterminent l’objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance ».
Bien que ces limites soient vagues, elles ont le mérite de rasséréner ceux qui craignaient que toutes les écritures, quel que soit leur objet, soient soumises au même régime.
Nous savons désormais qu’il n’en est rien et que, par exemple, l’obligation de reprise ne concerne pas les conclusions qui demandent le rejet des conclusions de la partie adverse comme tardives, la révocation d’une ordonnance de clôture ou les simples incidents de la mise en état[73].
63. En second lieu, les commentateurs se sont interrogés sur ce qu’il fallait voir dans l’emploi du verbe « reprendre ». Devait-il s’agir d’une simple reprise matérielle (le fameux « copier coller » informatique) ou d’une reprise intellectuelle ?
En réalité peu de voix ont soutenu la première idée et un certain consensus s’est formé autour de la seconde pour admettre « qu’il s’agit bien de reprise intellectuelle, donc de véritable récapitulation impliquant un travail réel de réécriture, voire de fusion des prétentions et moyens précédemment présentés et invoqués »[74].
Cet
effort de synthèse tend à faire, une nouvelle fois, de l’avocat et de l’avoué
de réels auxiliaires de justice.
2- La reprise de la qualification en appel
64. Il ne
suffit pas de correctement qualifier pour l’emporter et le combat judiciaire
peut être très long. Ainsi, le plaideur qui aura perdu en première instance
pourra faire appel et, si derechef, il succombait, lui resterait la voie de la
cassation.
Par conséquent, une action en justice doit s’apprécier dans sa globalité et la stratégie à employer doit tenir compte des divers degrés de juridiction et des règles de procédure qui s’y rattachent.
Rapportée à l’obligation de qualification, cette mise en garde conduit à l’observation suivante.
En vertu des dispositions de l’article L. 111-2 alinéa 2 du Code l’Organisation Judiciaire, « La cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires », c’est la raison pour laquelle l’article 619 du Nouveau Code de Procédure Civile précise que « les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la Cour de cassation »[75].
Nous pouvons poser l’hypothèse d’un plaideur qui ayant succombé en première instance, aurait fait appel en changeant de qualification.
A la suite d’un nouvel échec, il se pourvoit en cassation.
Or, dans l’intermède, fort de nouveaux éléments confortant son premier choix de qualification, il décide de réutiliser celle-ci devant la Haute juridiction.
La question qui se pose est alors de savoir si cette qualification, invoquée en première instance puis abandonnée en appel pour être, enfin, reprise en cassation constitue ou non un moyen nouveau selon l’article précité ?
65. C’est à peu près l’espèce qu’a eu à trancher la Cour de cassation dans son arrêt DULAURANS du 2 juillet 1996 dans lequel elle a rejeté le pourvoi de la requérante au motif que son moyen (nécessairement mélangé de droit et de fait et non issu de l’arrêt attaqué) était nouveau.
Cette lecture de l’article 619 du Nouveau Code de Procédure Civile est rigoureuse mais malgré tout orthodoxe puisque, techniquement, le moyen qui n’apparaît pas en appel est de facto nouveau devant la Cour de cassation.
Cette position semble du reste confortée par la réforme lorsqu’elle prévoit que les moyens qui ne seront pas repris dans les dernières écritures seront réputés abandonnés. A fortiori doit-il en être de même lorsque le moyen n’est pas repris d’une instance à l’autre.
En toute hypothèse, le praticien doit avoir cette jurisprudence à l’esprit lorsqu’il établit sa stratégie.
66. Pour autant, les difficultés ne s’arrêtent pas là et l’affaire DULAURANS ne doit pas sa célébrité à la Cour de cassation mais à la Cour EDH.
En effet, dans son arrêt du 21 mars 2000[76] la juridiction européenne a condamné la France sur le fondement de l’article 6§1 de la Convention EDH, motif pris que le droit à un procès équitable impliquait l’obligation, pour « le tribunal », « d’entendre » les parties.
Cette dernière position est certainement plus favorable à ceux qui ont la charge de qualifier, mais elle semble remettre en cause le principe selon lequel la Cour de cassation n’est pas un troisième degré de juridiction, tout comme elle fait de la Cour EDH, un quatrième.
SECTION 2 : L’obligation de qualification dans la procédure contentieuse sans représentation obligatoire
67. Notre Code de procédure civile pose, dans son article 18, le principe selon lequel « les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire ».
L’exception est toutefois de taille puisque devant le tribunal de grande instance, « les parties sont, sauf dispositions contraires, tenues de constituer avocat »[77].
En réalité, tout à fait paradoxalement, c’est essentiellement devant les juridictions d’exception que joue le principe de l’article 18.
Ainsi, devant le tribunal paritaire des baux ruraux, le tribunal de commerce, le conseil des prud’hommes, le tribunal des affaires de sécurité sociale et le tribunal d’instance, la représentation n’est pas obligatoire.
Mais, elle ne l’est pas non plus devant le juge de l’exécution[78], le tribunal de grande instance statuant en certaines matières[79] et devant le juge des référés[80].
En appel, par application de l’article 899 NCPC[81], le principe est inversé, mais il n’en demeure pas moins que, dans un certain nombre de cas, la présence de l’avoué est facultative[82].
Il ne s’agit pas d’aborder ici le détail de la procédure sans représentation obligatoire, mais de nous interroger sur ce qu’il advient de l’obligation de qualification hors la présence obligatoire de professionnels du droit.
Nous retiendrons les difficultés découlant, d’une part, des modes de saisine (A) et, d’autre part, de la mise en œuvre du principe de l’oralité (B).
§1 : Les modes de saisine
68. Dans
la plupart des cas, les procédures sans représentation obligatoire suivies devant
des juridictions d’exception connaissent plusieurs modes de saisine. Ce choix
est destiné à faciliter l’accès au juge.
Ainsi, comptons-nous la requête conjointe, la présentation volontaire, la déclaration au greffe et l’assignation.
A ce stade de notre exposé, nous ne nous attacherons qu’à la saisine par assignation. La saisine par requête renvoie en effet aux dispositions de l’article 57 du NCPC qui, n’ayant pas été modifié par la réforme, ne prévoit pas d’obligation de qualification.
Il nous
semble intéressant de savoir ce qu’il reste de l’obligation de qualification
que contient l’article 56 du NCPC dans une telle hypothèse.
69. En effet, aussi bien l’article 836 du NCPC pour la procédure devant le tribunal d’instance, 855 du NCPC pour la procédure devant le tribunal de commerce, 882 du NCPC pour le tribunal paritaire des baux ruraux que 485 du NCPC pour le juge des référés renvoient directement ou indirectement aux dispositions de l’article 56 du NCPC pour le contenu de l’assignation[83].
Par
conséquent, nous pourrions naturellement en déduire que les magistrats sont en
droit d’attendre de chaque assignation, quelle que soit la procédure suivie, la
même qualité rédactionnelle y incluse la qualification.
70.
Cependant, ce raisonnement a pari
n’est pas satisfaisant.
En
premier lieu, il est en totale opposition avec l’esprit qui commande à ce type
de procédure que l’on pourrait tantôt qualifier de proximité ou d’urgence.
Celles-ci sont, par nature, peu formalistes car le législateur les a voulues
peu coûteuses.
Or, si
l’on considérait qu’il ne faille pas distinguer selon que l’assignation émane
d’un avocat ou d’un profane, seraient remis en cause les fondements de ces
procédures. On rendrait ainsi, de fait, la représentation par un professionnel
du droit obligatoire.
Il
faudrait alors repenser tout notre système d’aide juridictionnelle et créer,
comme cela existe pour la santé, une sorte de « sécurité sociale
judiciaire ».
En second
lieu, il en résulterait une rupture d’égalité, pour des affaires similaires,
entre les parties qui auraient choisi, sans se douter, de procéder par voie
d’assignation et celles qui auraient opté pour la présentation volontaire ou la
requête[84].
Pis
encore, une « inégalité de traitement pourrait exister entre le demandeur
et le défendeur devant les juridictions où la procédure est orale, mais où
l’instance est introduite par une assignation. Parce que le demandeur se verra
imposer un certain nombre d’obligation, notamment de conclure et motiver en
droit, ne serait-ce que dans l’assignation, tandis que le défendeur fera
absolument ce qu’il voudra »[85].
Ce sont
les raisons pour lesquelles nous sommes favorables à une application extensive,
voire bienveillante, des dispositions de l’article 56 du NCPC en présence
d’assignations qui concernent des procédures sans représentation obligatoire.
71. Dans
ces hypothèses, en l’absence de texte spécifique, la modération du principe de
l’obligation de qualifiier pourrait venir à la fois, du pouvoir de
qualification ou de requalification du juge[86]
et, de la sanction appliquée au manquement de cette obligation[87].
La même
modération devrait prévaloir pour les conclusions écrites déposées par les
parties.
En effet,
celles-ci ont toujours la possibilité d’y recourir, quand bien même la
procédure serait sans représentation obligatoire et par conséquent orale.
Or, comme
nous l’avons vu précédemment, tant l’article 753 NCPC que 954 NCPC imposent la
présentation expresse de moyens de fait et de droit dans les conclusions.
Néanmoins,
pourrait-on apporter une réserve lorsqu’une partie aurait choisi de se faire
représenter par un avocat. Sans doute y aurait-il lieu de revenir alors au
droit commun.
§2 : L’oralité
72. D’une manière quasi absolue, la procédure sans représentation obligatoire s’accompagne de l’oralité[88].
« Elle signifie toujours que les parties peuvent présenter oralement, aux différentes audiences du tribunal, non seulement tous leurs moyens de fait et de droit, mais aussi leurs prétentions »[89].
Elle présente d’indéniables avantages, puisqu’elle facilite et simplifie l’accès au juge, mais elle n’est pas exempte de dangers.
En effet, de l’oralité résultent d’incontournables difficultés de preuve.
Certes, en vertu de l’article 727 alinéa 4 du NCPC, les prétentions des parties doivent être notées au dossier ou consignées dans un procès verbal, mais celles-ci sont tributaires des bons soins du greffier.
Alors, comment prouver, en l’absence d’écrit, de références dans le dossier ou de mentions dans le jugement, que telles ou telles argumentations ou qualifications ont été avancées ?
La preuve paraissait difficile, elle est devenue impossible en raison de la jurisprudence de la Cour de cassation.
La Haute juridiction considère non seulement, qu’il revient aux parties de rapporter la preuve qu’elles ont saisi le tribunal de prétentions[90], mais encore qu’il existe une présomption que les moyens retenus dans le jugement ont été débattus contradictoirement[91].
Cette probatio diabolica conduit les parties à préférer l’écrit[92] à l’oral, ce qui les renvoie aux difficultés exposées au précédent paragraphe.
73. La
portée d’une réforme se mesure à la rigueur de la sanction qui s’y applique. Si
la sanction n’a aucune valeur comminatoire, la nouvelle règle équivaudra à une
pétition de principe.
Cet
aphorisme s’applique tout de go à l’obligation de qualification des écritures
telle qu’elle découle du décret du 28 décembre 1998.
Or, si
l’on considère qu’il s’agit d’une avancée majeure de notre procédure civile,
les sanctions ne pourront être que rigoureuses (Section 1).
Cependant,
l’assignation et les conclusions, qui sont des actes judiciaires, constituent
les soubassements de l’action, de sorte qu’il faut avoir à l’esprit les risques
que comporte le choix de sanctions rigoureuses (Section 2).
SECTION 1 : La nécessité de sanctions rigoureuses
74. Dans
cette première phase de notre réflexion, nous nous cantonnerons à la procédure
contentieuse avec représentation obligatoire.
Puisque
nous nous situons dans la procédure, la première question qui doit jaillir à
l’esprit du juriste est celle de savoir s’il s’agit d’une nullité pour
irrégularité de fond ou d’une nullité pour vice de forme (§1).
Ensuite,
viendra la question de la responsabilité des professionnels du droit (§2).
§1 : Le choix entre
nullité pour irrégularité de fond ou nullité pour vice de forme
75. L’interrogation
est de premier ordre puisque de la réponse dépendra la mise en œuvre d’un
régime ou d’un autre. Mais au-delà, c’est la notion de procès équitable qui est
en jeu.
Pour
parvenir à dessein, il convient d’abord de poser les termes du débat (A).
Ensuite,
nous avancerons une solution qui pourrait être retenue (B) puisque, à notre
connaissance, la Cour de cassation n’a pas encore eu à se prononcer sur les
sanctions applicables aux écritures non qualifiées ou mal qualifiées.
A/ Les termes du débat
76. A titre liminaire, il faut s’arrêter sur les textes dont nous devons effectuer l’exégèse. Une première lecture nous interpelle.
Tandis que l’article 56 du NCPC dispose que l’assignation doit contenir « un exposé des moyens en fait et en droit » « à peine de nullité », les articles 753 et 954 du même Code restent muets quant à la sanction qui doit accompagner le manquement à cette même obligation de qualification dans les conclusions.
L’article 114 du NCPC dispose quant à lui, dans son premier membre de phrase, qu’ « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi ».
Mais ce principe « pas de nullité sans texte » est immédiatement atténué par le second membre de phrase selon lequel la nullité sera encourue en cas d’inobservation d’une formalité substantielle.
Or, il ne fait pas de doute que l’obligation de qualification ait cette qualité.
77. En revanche, la réflexion autour de la nullité pour irrégularité de fond est plus délicate et les partisans de la nullité pour vice de forme[93] n’ont pas manqué de relever l’altérité de rédaction pour en tirer argument.
En effet,
la liste énoncée par l’article 117 du NCPC est classiquement entendue
restrictivement.
Deux
arrêts de la Cour de cassation, très souvent invoqués, précisent que
« seules affectent la validité d’un acte de procédure, indépendamment du
grief qu’elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement
énumérées par le second de ces articles (117 NCPC) »[94].
En dépit de cette formule limpide, une partie de la doctrine soutient que cette liste n’est aucunement exhaustive et qu’il y aurait la place pour une nullité de fond malgré le silence des articles 753 et 954 du NCPC.
78. Ainsi, selon Monsieur le professeur Georges BOLARD[95], la Haute cour a souvent eu l’occasion de retenir, sans souci de la liste de l’article 117, des irrégularités de fond qui n’y sont pas visées.
Et l’auteur de citer, l’incompétence territoriale de l’huissier instrumentaire[96], la délivrance d’un acte au nom d’une personne décédée[97], le défaut de personnalité du demandeur[98], le défaut d’indication de l’organe de la société appelante[99].
Il invoque encore, à l’appui de sa démonstration, les dispositions de l’article 119 du NCPC aux termes desquelles, « les exceptions de nullités fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse ».
Par conséquent, aucun des deux types de nullité ne peut être d’emblée écarté en raison d’arguments de texte.
Le débat se déplacera dès lors sur le terrain du régime applicable à ces nullités.
79. Les adversaires de la thèse de la nullité pour vice de forme avancent, en premier lieu, qu’ « en application des articles 74 et 112 du NCPC et sans préjudice de l’article 113 ; le prétendu vice de forme devrait être soulevé in limine litis »[100] ce qui revient à priver le juge, dans le cas où l’adversaire aurait soulevé une défense au fond, de la possibilité « d’exiger du fautif qu’il fournisse les qualifications omises »[101].
Exit alors les articles 13 et 765 du NCPC qui permettent au juge de se mettre en conformité avec les prescriptions du Code.
Il s’agit d’une conséquence plutôt fâcheuse si l’on souhaite améliorer la qualité des écritures dans l’optique d’obtenir de meilleures décisions de justice.
En second lieu, selon l’article 114 alinéa 2 du NCPC, il faut rapporter un grief. Or, il est possible que le magistrat n’en voie pas si, dans ses écritures en réponse, le plaideur a conclu au fond[102].
En dernier lieu, sur le plan téléologique, retenir la nullité pour irrégularité de fond sera certainement plus efficace pour faire respecter l’obligation de qualification.
80. A l’opposé, les partisans de la nullité pour vice de forme peuvent, pour commencer, s’enorgueillir de la présence à leurs côtés du père de la réforme.
En effet, dans son fameux rapport J. M. COULON écrit : « En l’état actuel des textes, les prescriptions de l’article 56 du NCPC qui régit la présentation et le contenu de l’assignation obéissent au régime des nullités de forme. La réforme proposée ne fait que préciser et renforcer les exigences de cette disposition et n’appelle donc pas a priori une modification de la portée des sanctions »[103].
Ensuite, choisir le régime de la nullité pour vice de forme c’est se ménager la possibilité de la régularisation par le jeu de l’article 115 du NCPC.
Cette position semble correspondre à la volonté des rédacteurs du Nouveau Code de Procédure Civile pour qui la procédure ne devait plus être une fin en soi mais uniquement le moyen pour le juge de rendre une décision juste et équitable dans le respect des droits des parties.
Enfin, la rigueur attachée au régime des nullités pour irrégularité de fond laisse plus de place à l’argument du déni de justice.
Ces deux approches de la sanction du défaut de qualification sont incontestablement intéressantes, mais peut-être y a-t-il la place pour une autre conception qui tendrait à la fois vers l’efficacité de la réforme et qui tiendrait compte de l’office du juge.
B/ La solution qui pourrait être retenue
81. Nous le voyons, il faut tenir compte de nombreux paramètres et le choix de la catégorie juridique n’en est que plus difficile.
Par certains côtés, le régime de la nullité pour irrégularité de fond semble le mieux adapté, mais par d’autres, celui de la nullité pour vice de forme est assurément plus approprié.
A ces arguments de textes, se rajoute un argument téléologique de la plus grande importance qui est la nécessité d’une sanction rigoureuse.
Cependant la recherche de la solution pratique la plus adaptée ne doit pas se faire au détriment de la cohérence juridique et de l’orthodoxie scientifique.
Selon nous, il est nécessaire d’introduire une distinction, que les textes ne prévoient pas, qui consiste à prendre en compte, d’une part, le défaut de qualification (2) et, d’autre part, l’insuffisance de qualification (1).
1-Le défaut de qualification dans les écritures
82. Il ne
fait pas de doute que, depuis la réforme de 1998, l’obligation de qualification
est un élément essentiel du bon déroulement du procès civil.
C’est même, en réalité, un élément substantiel de l’assignation et des conclusions.
En effet, aux termes des articles 56, 753 et 954 du NCPC, les parties doivent exposer les moyens de fait et de droit.
Il appert qu’aucune distinction n’est faite entre les deux types de moyens qui doivent tous deux être présents et qui sont de même importance.
D’ailleurs, en raisonnant par l’absurde, il est difficile d’imaginer qu’un juge accède à la demande d’un plaideur qui n’exposerait dans ses écritures que la règle de droit sans la faire reposer sur des faits matériels.
Par ailleurs, nous savons que qualifier c’est subsumer les faits sous la règle de droit, alors puisque les moyens de jure et de facto doivent impérativement figurer, la qualification juridique qui en découle également.
Si un élément de fait cardinal ou un critère fondamental de la catégorie juridique fait défaut, la qualification ne tient plus et tombe d’elle-même, faute de reposer sur des bases suffisamment solides pour la supporter.
83. Qu’un élément substantiel manque et une sanction s’impose, l’inexistence de l’assignation ou des conclusions en cause.
Sur le plan juridique, l’inexistence, bien que très proche de la nullité, s’en détache tout de même car les régimes sont différents.
En premier lieu, selon Monsieur le professeur Gérard LEGIER, « l’inexistence n’a pas à être relevée par le tribunal »[104].
En second lieu, pour encourir la nullité, un acte doit d’abord exister. Or, ici « l’acte peut être considéré comme totalement dépourvu d’efficience car il est totalement étranger à ce qui aurait dû être fait »[105].
En troisième lieu, un acte inexistant ne peut être régularisé tandis qu’un acte nul pourrait l’être en application des articles 115 et 121 du NCPC.
Transposé à notre hypothèse, cela signifie qu’un avocat qui n’aurait pas pris la peine de qualifier ne se voit pas offrir de nouvelle chance.
84. Les conséquences seraient manifestement plus importantes pour l’assignation que pour les conclusions, puisque c’est par elle que débute l’instance.
Si elle est frappée d’inexistence, l’instance n’est pas introduite et par conséquent le juge n’est pas saisi.
Il ne peut donc pas lui être reproché, selon une lecture extensive des dispositions de l’article 12 du NCPC quant à l’office du juge, de n’avoir pas qualifier en lieu et place du demandeur.
De la même manière, le spectre du déni de justice semble pouvoir être écarté dans la mesure où un juge qui n’est pas saisi ne peut être considéré, par application de l’article 4 du Code civil[106], comme refusant de juger.
Restera alors au plaideur insouciant à revoir sa copie et à délivrer une nouvelle assignation conforme aux dispositions de l’article 56 du NCPC.
Une vigilance toute particulière devra néanmoins entourer les délais de prescription d’action.
85. En ce qui concerne les conclusions, la même solution doit être retenue, l’inexistence pour défaut de qualification.
Toutefois, la situation est quelque peu différente car le lien d’instance existe déjà du fait de l’assignation qui, nécessairement, les précède.
Le risque de déni de justice est donc plus important, mais paraît tout de même évitable.
Même si on considère que des conclusions qui ne contiennent aucune qualification sont inexistantes et par suite non susceptibles de régularisation par les parties ou de qualification par le juge, il n’en demeure pas moins qu’il sera loisible à ces dernières d’en déposer d’autres avant l’ordonnance de clôture.
2- La mauvaise qualité de la qualification dans les écritures
86. Ici, le conseil a qualifié mais mal, soit que la démonstration juridique soit insuffisante, soit qu’elle soit erronée.
La différence avec le cas de figure précédant est fondamentale et la sanction ne peut pas être la même.
En premier lieu, chacun peut se tromper en qualifiant et nous avons vu que certaines situations sont si ambiguës qu’il est extrêmement difficile de déterminer à quelle catégorie elles doivent être rattachées[107].
En second lieu et surtout, la qualification est un moyen, pour l’avocat, de faire triompher les prétentions de son client. Il est donc tout naturel et même sain qu’il tente d’emporter la qualification qui lui semble la plus favorable.
En outre, il peut tout à fait convaincre son juge, parfois au prix de contorsions juridiques qui de prime abord ne semblaient pas pouvoir être retenues.
En tout état de cause, il appartiendra au magistrat de trancher à l’issue du procès et de dire quelle est la partie qui doit triompher.
Nous ne pensons donc pas qu’il ait lieu ici à sanction. Cela serait dénaturer les textes que d’exiger des parties la bonne qualification. D’autant que, en droit comme ailleurs, la vérité absolue n’existe pas.
87. Mais, il est des cas où l’on ne peut trouver, au mieux, qu’un brin de qualification. Le plaideur, ne sachant pas quelle stratégie adopter, préfèrera parfois s’en remettre à l’office du juge qui pourra ou devra requalifier.
Ce comportement admis auparavant, ne doit plus perdurer car il heurte de plein fouet l’esprit de la réforme et du rapport qui l’a précédé.
Cependant, bien qu’il puisse s’agir d’une parodie, qualification il y a, de sorte que l’inexistence plus haut préconisée n’est plus adaptée.
88. C’est alors du côté de la nullité qu’il faut se pencher, ce qui nous conduit invariablement à choisir entre la nullité pour vice de forme et celle pour irrégularité de fond.
La thèse de la nullité pour irrégularité de fond est certes séduisante sur le plan téléologique, mais ne nous convainc pas en raison de la lettre de l’article 120 du NCPC qui constitue ici un obstacle dirimant[108].
En effet, comment concilier l’obligation pour le juge de requalifier et celle de relever d’office la nullité d’un acte insuffisamment qualifier ? Nous serions en pleine contradiction, au sens commun et non juridique du terme.
Nous sommes donc favorables à la nullité pour vice de forme, mais d’une forme substantielle.
Cette analyse permet en outre, d’échapper aux foudres du principe « pas de nullité sans texte » prévu par l’article 114 alinéa 1er in fine du NCPC.
Quant au grief à rapporter, il nous paraît évident dans la mesure où le principe de la contradiction est nécessairement bafoué[109].
89. La solution que nous avons proposée présente l’avantage, nous semble-t-il, d’être d’une part rigoureuse et donc incitative et, d’autre part, cohérente vis-à-vis du rôle que doit tenir le juge en vertu de l’article 12 du NCPC.
Toutefois, nous pouvons craindre que ce débat reste essentiellement doctrinal et que les juges n’accèdent pas aux demandes de nullité formées par les plaideurs exaspérés par l’inconsistance des écritures de leur adversaire.
Ils préfèreront certainement utiliser les règles de la mise en état ou leur pouvoir de requalification pour palier ce manque de rigueur procédurale.
Nous savons en effet, que l’existence d’une nullité s’apprécie au jour où le juge doit statuer. Or, par le truchement des règles que nous venons d’évoquer (art. 12 et 765 NCPC), il est probable que l’irrégularité aura disparu en cours d’instruction.
En réalité, les assignations et conclusions mal qualifiées ont encore de beaux jours devant elles.
Toutefois, d’autres types de sanctions pourraient avoir leur importance.
§2 : La responsabilité des professionnels du droit
90. Il s’agit essentiellement ici de voir sur quels fondements pourrait être recherchée la responsabilité des professionnels du droit qui ont en charge la représentation des parties dans le procès.
Pour ce
faire, nous verrons, en premier lieu, la responsabilité professionnelle des
avocats et des avoués (A) et aborderons,en second lieu, la question des
sanctions disciplinaires propres à la profession d’avocat (B).
A/ La responsabilité professionnelle des avocats et des avoués
91. Il
est de plus en plus fréquent que les particuliers recherchent la responsabilité
des professionnels avec lesquels ils contractent.
C’est certainement dans le milieu médical[110] que le phénomène est le plus remarquable, mais les professions juridiques ne sont pas en reste.
Ainsi, les notaires, les huissiers, les avocats et les avoués se voient attraits en justice par des clients mécontents, parfois en quête de compensations financières[111].
Il n’en demeure pas moins que l’avocat ou l’avoué qui a en charge les prétentions d’un client a désormais l’obligation légale de qualifier, et qu’il engagera sa responsabilité en ne le faisant pas.
En raison de la présence d’un mandat ad litem[112] et en vertu du principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, le client dont les prétentions auront été rejetées pour défaut de qualification devra fonder son action sur l’article 1147 du Code civil[113].
92. La clef de telles actions en responsabilité réside souvent dans la détermination de la nature de l’obligation qui sera retenue.
S’il s’agit d’une obligation de moyen, le créancier devra prouver la faute de son débiteur. A l’inverse, s’il s’agit d’une obligation de résultat, la faute et le lien de causalité seront présumés, parfois de manière irréfragable, dès lors que le résultat attendu fait défaut. La charge de la preuve sera alors inversée, il appartiendra au débiteur de prouver qu’il n’a pas commis de faute[114].
En ce qui concerne l’obligation de représentation qui pèse sur le mandataire ad litem, il ne fait aucun doute qu’il s’agisse d’une obligation de moyen[115]. En effet, ni l’avocat ni l’avoué n’ont l’obligation de remporter leur procès, mais celle de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour y parvenir.
Cependant, il semble permis de s’interroger sur l’hypothèse dans laquelle l’avocat ou l’avoué n’aurait proposé absolument aucune qualification juridique, se contentant de soumettre au juge les faits bruts tels que leur client les avait rapportés.
Nous serions assez favorables, depuis la réforme de décembre 1998, pour voir dans le fait de proposer une qualification, une obligation de résultat.
Il ne s’agirait pas de condamner celui qui n’a pas su assez correctement qualifier pour l’emporter, mais de punir celui qui a usurpé son titre d’auxiliaire de justice en omettant de qualifier, même sciemment.
Car, s’il ne fait pas de doute que l’avocat soit le mandataire de son client, il ne peut en aucun cas être son mercenaire[116].
B/ La sanction disciplinaire de l’avocat
93. Comme un certain nombre d’autres professions, celle d’avocat est ordinale. Cela signifie qu’il existe un Conseil de l’Ordre qui a notamment pour mission de faire respecter par ses membres une certaine déontologie.
La profession d’avocat est réglementée par la loi du 31 décembre 1971 et par le décret du 27 novembre 1991.
Aux termes de l’article 3 de la loi, l’avocat doit prêter le serment suivant : « Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».
L’alinéa 2 de l’article 156 du décret ajoute qu’ « il doit observer les règles de prudence et de diligence qu’inspire la sauvegarde des intérêts qui lui sont confiés par ses clients ».
Si un client souhaitait voir son avocat sanctionné par ses pairs pour un manquement à ses obligations déontologiques, il devrait en premier lieu s’adresser au bâtonnier de l’Ordre.
En effet, l’article 22 de la loi du 31 décembre 1971 précise que « (le Conseil de l’ordre) agit, soit d’office, soit à la demande du procureur général, soit à l’initiative du bâtonnier ».
Le Conseil peut connaître de « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extra professionnels… »[117].
Cette formule paraît suffisamment large pour embrasser la situation dans laquelle un avocat n’aurait pas pris la peine de qualifier une assignation ou des conclusions, mettant alors en péril les chances de succès de son client[118].
Encore une fois, il ne s’agirait pas de sanctionner celui qui aurait opté pour le mauvais choix de qualification, mais celui qui n’en aurait proposé aucune.
Rappelons enfin que l’échelle des sanctions est variée et largement dissuasive puisqu’elle va du simple avertissement à la radiation[119] et que la Cour d’appel connaîtra des recours contre toute décision prise en matière disciplinaire par le Conseil de l’Ordre[120].
SECTION 2 : Les dangers du choix de sanctions rigoureuses
94. Bien que nous soyons partisan du choix de sanctions rigoureuses accompagnant le manquement à l’obligation de qualification, nous pensons qu’il est nécessaire d’avoir à l’esprit les dangers que véhiculerait un tel choix pour la procédure civile de façon générale (§1) et, plus particulièrement, pour la procédure sans représentation obligatoire (§2).
§1 : Les dangers pour la procédure civile
95. Il n’est pas impossible que le choix de la nullité pour irrégularité de fond ou de l’inexistence des écritures pas ou peu qualifiées puisse aboutir à un déni de justice voire à une condamnation de la France par la Cour EDH (A).
Il pourrait également se révéler en contradiction avec le rôle dévolu au juge par le Code de procédure (B).
A/ Le risque de déni de justice et de condamnation par la Cour EDH
96. L’ambition des écritures qualificatives est claire, améliorer la qualité du débat judiciaire pour parvenir à une meilleure solution juridique.
Or, seules des sanctions rigoureuses permettraient d’écarter efficacement des assignations ou des conclusions dépourvues de qualifications juridiques.
Toutefois, l’éradication de ces pâles écritures ne doit pas se faire au détriment du droit au juge.
Peut-être devrions-nous prêter l’oreille aux arguments des partisans d’une conception souple de la réforme qui voit dans celle-ci un chamboulement de l’équilibre qui existait entre les conseils et les juges, au profit de ces derniers.
En effet, la tâche des magistrats est largement facilitée par le décret du 28 décembre 1998, non seulement par les écritures qualificatives mais également par les écritures récapitulatives qui sont entendues de manière stricte[121].
Dans le même temps, les obligations du juge n’ont pas été modifiées de sorte que, par exemple, en application de l’article 455 du NCPC, le jugement qui doit contenir un exposé succinct des prétentions et des moyens respectifs des parties peut-il « revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date ».
Dans ce contexte, en dépit de la nécessité d’un débat judiciaire sain, le droit d’accès à la justice pourrait être remis en cause par un formalisme trop pointilleux qui ne s’adresserait qu’à un protagoniste sur deux.
97. Il ne faut pas non plus perdre de vue que notre conception hexagonale de la procédure civile ne trouve, la plupart du temps, qu’un écho limité à Strasbourg. La Cour EDH, plus empreinte de pragmatisme, s’attache davantage à la fin qu’aux moyens.
Ainsi, dans l’affaire DULAURANS[122], a-t-elle considéré que l’arrêt rendu par la Cour française était « le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation » alors que cette dernière n’avait fait qu’appliquer, de manière restrictive il est vrai, la législation en vigueur (art. 619 NCPC).
La Cour EDH y a vu une violation de l’article 6§1 de la Convention EDH au motif que celui-ci englobe, entre autres, le droit des parties au procès à présenter les observations qu’elles estiment pertinentes pour leur affaire. Cette garantie devant en outre, être « concrète et effective ».
Dans ses conditions, il est possible que la Cour EDH ne voie pas d’un très bon œil se développer en France une conception rigoureuse des sanctions applicables aux écritures insuffisamment qualifiées.
B/ Le risque de conflit avec l’office du juge
98. Nous sommes d’avis qu’il faille nécessairement accorder cette réflexion sur la nullité des écritures ne respectant pas l’obligation de qualifier avec celle sur le rôle du juge vis-à-vis de la qualification qui polarise la doctrine depuis longtemps.
Or, sans rentrer trop dans le détail de cette question qui nous occupera plus bas, il semble logique de penser que si nous optons pour la nullité de fond sans distinction, le débat sera nécessairement tranché en faveur de la faculté, voire de l’impossibilité pour le juge de requalifier.
En effet, l’article 120 du NCPC fait obligation au juge de relever d’office « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure, (…), lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public ».
Si l’on se souvient que l’obligation pour les parties de qualifier permet d’améliorer le rendement de la justice et le respect du principe de la contradiction[123], il n’est pas du tout certain que l’ordre public ne soit pas en cause.
L’obligation pour le juge de relever d’office une telle nullité de fond nous paraît donc exclusive de l’obligation qui serait faite au juge de requalifier en vertu de l’article 12 du NCPC.
§2 : Les dangers pour la procédure sans représentation obligatoire
99. Tous les risques que nous évoquions précédemment prennent encore une autre dimension avec la procédure sans représentation obligatoire.
Comme nous l’avons vu, l’obligation de qualification touche l’assignation devant toutes les juridictions (Art. 56 NCPC) et les conclusions devant le tribunal de grande instance (Art. 753 NCPC) et la Cour d’appel (Art. 954 NCPC) sans considération aucune pour le mode de représentation.
Cependant, il nous apparaît tout à fait incohérent de ne pas distinguer même si les textes ne distinguent pas.
En premier lieu, il va de soi que l’on ne peut pas attendre la même qualité de rédaction d’un juriste et d’un non-juriste.
En second lieu, les juges eux-mêmes ne sont pas toujours des professionnels du droit au sens strict du terme. Ainsi, au tribunal de commerce ou au conseil des prud’hommes ce ne sont pas des magistrats qui siègent et, sans remettre en cause leur aptitude à juger, ils n’auraient peut-être pas constamment les réflexes propres à déceler les approximations de qualification.
En dernier lieu, si des sanctions trop rigoureuses devaient être retenues dans ce type de procédure, nous aboutirions indirectement mais inéluctablement à une représentation obligatoire de fait.
100. Aussi sommes-nous favorables, dans le cadre de ces procédures, au choix de la nullité pour vice de forme quel que soit le degré du manquement à l’obligation de qualification, comprise l’hypothèse dans laquelle toute qualification ferait défaut..
Son régime, plus clément, tiendra mieux compte des capacités des plaideurs et des réalités sociales.
En outre, ici plus qu’ailleurs, l’indulgence et la compréhension des magistrats devraient les pousser à exploiter au mieux les dispositions du Code sur la mise en état des affaires.
101. Tous ces dangers paraissent fonder la solution que nous avons soutenue plus haut qui consiste à distinguer, d’une part, entre les situations dans lesquelles il est possible ou non de constater la présence d’une qualification et, d’autre part, entre les procédures avec ou sans représentation obligatoire.
Nous en avons fini avec le rôle des parties vis-à-vis de la qualification, voyons dès à présent l’office du juge.
102. Dans l’esprit des auteurs du Nouveau Code de Procédure Civile, il devait nécessairement exister une séparation rigide entre le fait et le droit. Le premier incombant aux parties, le second étant « l’apanage du juge »[124].
En dépit de l’influence qu’a eue cette doctrine sur la rédaction du décret du 9 septembre 1971, il n’est pas possible d’avoir aujourd’hui une vision aussi manichéenne des choses car le juge n’est pas sans pouvoir sur le fait et il n’a plus le monopole du droit.
En effet, le principe posé par l’article 6 du NCPC selon lequel les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions est largement débordé par les importants pouvoirs reconnus au juge dans le domaine du fait.
L’alinéa 2 de l’article 7 du NCPC permet d’abord au juge de prendre en considération les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions.
L’article 8 du NCPC quant à lui, autorise le juge à inviter les parties à fournir les explications de fait qu’il estime nécessaires à la solution du litige.
Plus directement cette fois, l’article 213 du même Code prévoit la possibilité pour le juge « d’entendre et d’interroger les témoins sur tous les faits dont la preuve est admise par la loi, lors même que ces faits ne seraient pas indiqués dans la décision prescrivant l’enquête ».
Toujours en matière d’enquête, l’article 222 alinéa 2 du NCPC dispose qu’il appartient au juge « de déterminer les faits pertinents à prouver »[125].
Il faut encore ajouter à cela la présence de plus en plus marquée des expertises dans le procès civil. Le juge peut les ordonner d’office[126], introduisant nécessairement leurs résultats dans les éléments du débat[127].
103. En
ce qui concerne le droit, le monopole du juge est largement battu en brèche par
la réforme de décembre 1998 en raison de l’obligation de qualification des
écritures qui en découle.
Désormais, la qualification des assignations (art. 56. NCPC) et des conclusions (art. 753 et 954 NCPC) est une charge pour les parties, à peine de nullité.
Certes, le juge n’est pas lié par la qualification proposée par les parties (sauf à faire application des alinéas 3 et 4 de l’article 12 du NCPC) mais celles-ci ne peuvent plus se permettre de déposer des écritures qui relateraient uniquement les faits de la cause. Bien qu’inégal, il existe tout de même un partage du droit entre le juge et les parties.
104. Dans ce nouvel état de la procédure civile, une question est toujours d’actualité. Si, comme nous venons de le voir, la qualification que les parties doivent soumettre à la sagacité du juge ne lie pas ce dernier, c’est que la requalification est encore possible.
Dès lors reste en suspend l’interrogation suivante. S’agit-il d’une faculté ou d’une obligation ?
Pour la majorité de la doctrine, les principes directeurs de la procédure n’ayant pas été touchés par la réforme, le rôle du juge tel qu’il ressort de l’article 12 du NCPC n’a pas non plus été modifié.
Nous ne partageons qu’imparfaitement cette analyse car, à notre gré, l’immixtion des parties dans le droit à travers l’obligation de qualification, influe nécessairement sur l’office du juge.
Nous aurons le loisir d’expliciter notre position lors de l’étude de la nature de l’office du juge (Titre 1). Nous verrons ensuite les limites qui entourent cet office (Titre 2).
105. Le pouvoir de qualification ou de requalification du juge n’est pas nouveau puisque la Cour de cassation déclarait dès avant la réforme que « les juges du fond ont le pouvoir de qualifier les faits qui leur sont contradictoirement soumis sans être tenus d’adopter la qualification proposée par les parties » ou que « il appartient aux juges du fond de restituer à la demande dont ils sont saisis sa véritable qualification juridique »[128].
Toutefois, si ce pouvoir, dont l’alinéa 2 de l’article 12 du NCPC marque la consécration réglementaire, n’est pas contesté[129], toute la difficulté réside dans le fait de savoir s’il s’agit d’une obligation faite aux magistrats ou d’une simple faculté qui leur est offerte (Chapitre 1).
Après avoir tenté de cerner la difficulté nous nous attarderons sur les conséquences qui découlent de ce choix et à la sanction qui y est attachée (Chapitre 2).
106. La question du choix entre l’obligation ou la faculté pour le juge de qualifier ou de requalifier les écritures des parties revient régulièrement, au rythme des arrêts de la Cour de cassation et des prises de positions de la doctrine.
Cependant, nous pensons qu’avec le décret du 28 décembre 1998, les éléments du débat (Section 1) ont été modifiés, et que par conséquent, la réponse à apporter est aujourd’hui sensiblement différente (Section 2).
SECTION 1 : Les éléments du débat
107. Les deux thèses en cause sont susceptibles, tour à tour, de prendre attache dans les textes (§1), dans la jurisprudence (§2) ou dans des arguments purement téléologiques (§3).
Pour la cohérence de l’exposé, nous proposons d’envisager, dans chacun des cas, l’argumentation pro et contra de l’obligation de requalifier.
§1 : Les textes
A/ Argumentation pro obligation de requalifier
108. Aux termes de l’article 12 alinéa 1er du NCPC, « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».
Si nous nous arrêtons d’abord sur le temps employé, l’indicatif présent du verbe « tranche », c’est immédiatement l’idée d’obligation qui nous vient à l’esprit.
La notion de devoir est ensuite explicitement contenue dans le deuxième alinéa du même article d’après lequel « (le juge) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».
109. De manière plus indirecte, les articles 619 et 620 du NCPC peuvent également servir de support à l’argumentation qui nous occupe.
Selon Monsieur le professeur Jacques NORMAND, « l’obligation de relever d’office certains moyens de droit se dégage implicitement mais nécessairement (de ces articles) »[130].
En effet, le juge du fond qui ne souhaite pas voir sa décision désavouée par la Cour de cassation ou uniquement sauvée par une substitution de motifs, se doit de relever spontanément les moyens que la Haute juridiction pourrait relever de son propre mouvement, parce qu’ils seraient pour elle de pur droit (Art. 620 al. 2 NCPC).
La cause semblerait être entendue, mais cela serait compter sans la foi que certains placent dans la méthode exégétique et la survivance de l’ancien alinéa 3 de l’article 12 du NCPC.
B/ Argumentation contra obligation de requalifier
110. Le troisième alinéa (nouveau) de l’article 12 du NCPC[131] dispose « (le juge) ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat ».
Une lecture a contrario de ce texte peut servir de soutien à la thèse de la simple faculté pour le juge de requalifier.
Ainsi, « Lorsque les parties n’ont pas pu ou pas voulu profiter de cette possibilité, le juge peut changer le fondement juridique de la demande, il n’y est donc pas tenu »[132].
Il faut toutefois se méfier de la faiblesse des raisonnements a contrario[133], mais d’autres arguments de texte peuvent être avancés au soutien de la thèse de la faculté de requalification.
111. La
lettre de l’ancien article 12 alinéa 3 qui dispose que « (le juge) peut
relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique
invoqué par les parties » est un excellent argument pour les partisans du
« peut requalifier ».
Cependant, cet alinéa ne fait plus partie de notre ordonnancement juridique depuis qu’un arrêt du Conseil d’Etat du 12 octobre 1979[134] l’a annulé. Or, contrairement à l’article 16 alinéa 1er également annulé par cet arrêt, il n’a pas été réintroduit dans le Code par le décret du 12 mai 1981.
En dépit de cela, il semble que la majorité
de la doctrine s’accorde pour penser que cet alinéa n’a pas perdu toute
influence.
Il a été écrit à ce propos que « quoique cet alinéa ait été annulé par le Conseil d’Etat, mais seulement en ce qu’il porte atteinte au principe du contradictoire, la règle qu’il exprime reste incontestablement de droit positif »[135].
Pour d’autres encore, il garde « une autorité officieuse »[136] et enfin, selon le Doyen CORNU, « La raison commande de rétablir comme une évidence et un acquis coutumier, la disposition de l’alinéa 3 originaire »[137].
112. Toutefois, cette interprétation du sens et de la portée de l’abrogation de l’article 12 alinéa 3 ancien du NCPC par le Conseil d’Etat, qui constitue un argument de poids pour le choix de la faculté, n’est pas partagée par tous et connaît un farouche adversaire en la personne de Monsieur Raymond MARTIN[138].
Selon cet auteur, ce n’est pas d’un manque de contradiction dont souffrait la rédaction de l’alinéa en cause mais d’un mal plus grave puisque était en jeu le principe d’égalité devant la justice.
Et celui-ci d’écrire, « Le troisième alinéa de l’article 12 aurait échappé à la censure s’il avait dit le juge doit relever les moyens de pur droit, et non le juge peut relever d’office de tels moyens »[139] et de poursuivre « le texte n’a pas été rétabli par le pouvoir réglementaire car ce troisième alinéa ainsi corrigé était superfétatoire, la règle qu’il aurait exprimée étant déjà contenue dans les deux premiers »[140].
A l’issue de cette brève exégèse, il paraîtrait que l’argumentation pro obligation de requalification prenne le pas sur l’argumentation contra. Pour autant, ce sentiment n’est pas confirmé, loin s’en faut, par l’étude de la jurisprudence.
§2 : La jurisprudence
A/ Jurisprudence pro obligation de qualification
113.
C’est essentiellement la Première chambre civile de la Cour de cassation qui
tend vers une obligation pour le juge de requalifier.
Celle-ci a eu plusieurs fois l’occasion et dans des domaines variés, de préciser sa position. Ainsi, les juges du fond ont-ils l’obligation de relever d’office la règle de conflit de loi, même lorsqu’elle désigne une loi étrangère[141].
Le 30 janvier 1996[142], elle censurait les magistrats du fond pour n’avoir pas relevé d’office la règle que la victime d’un dommage en qualité de collaborateur d’un service public de la justice peut en obtenir réparation sans avoir à prouver une faute.
Dans un arrêt du 16 avril 1991[143] la même Chambre prononçait la cassation d’une décision qui, constatant la tardiveté d’une action en garantie pour vice caché, soumise comme nul n’ignore au couperet du bref délai, n’avait pas recherché si le maquillage d’anomalie n’était pas constitutif d’un dol.
Le 16 juin 1996[144] elle décidait que le juge du fond avait l’obligation de requalifier la demande présentée sur le fondement du vice caché en une non-conformité de l’objet vendu lors de la délivrance.
La liste
des arrêts serait encore longue. Toutefois, la Première chambre civile de la
Cour de cassation, qui elle-même montre des signes d’infléchissement[145],
semble aujourd’hui bien esseulée, du moins au plan national.
114. En
effet, la position de la Cour de justice des communautés européennes est plutôt
favorable à une application d’office du droit communautaire par les instances
nationales.
La Cour a
jugé, dans un arrêt VERHOLEN du 11 juillet 1991[146]
que « le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que le juge national
soulève d’office la question de l’application du droit communautaire ».
En
revanche, il n’est pas certain que la Cour européenne des droits de l’homme ait
la même vision[147].
B/ Jurisprudence contra obligation de requalification
115. C’est assurément la Deuxième chambre civile qui est la championne du « peut requalifier ». Très tôt, elle a opté pour la faculté[148] et elle est restée fidèle à cette position[149].
La troisième Chambre civile lui a rapidement emboîté le pas et a, récemment encore[150], confirmé cette conception de l’office du juge.
La Chambre commerciale, après une jurisprudence quelque peu hésitante[151], s’est semble-t-il ralliée[152] à la thèse de la simple faculté offerte au juge de requalifier par l’article 12 du NCPC.
La Chambre sociale a connu sensiblement le même parcours. Un temps, elle a incliné vers l’obligation de qualification[153], avant de rejoindre le courant majoritaire à la Cour de cassation selon lequel, si l’article 12 du NCPC permet au juge de changer le fondement juridique de la demande, il ne lui en fait pas l’obligation[154].
Comme nous le voyons, la thèse de la faculté de requalification suscite plus d’engouement au sein de la Haute juridiction que celle de l’obligation.
Or, cela peut paraître surprenant compte tenu des textes qu’il s’agit de mettre en œuvre[155]. Sans doute, pour mieux comprendre cet état de fait, faut-il s’enquérir des arguments téléologiques qui peuvent venir au soutien de l’une ou l’autre position.
§3 : Arguments téléologiques
A/ Arguments pro obligation de requalification
116.
Personne n’est sans savoir que nos juridictions souffrent d’un engorgement
chronique qui est la cause des principaux maux de la justice.
Pour lutter contre cette asphyxie, le pouvoir politique a demandé à un éminent juriste de réfléchir à des solutions.
Cette réflexion a abouti au fameux rapport COULON. Plusieurs des propositions qu’il contient tendent évidemment à accélérer le cours de la procédure mais une part assez importante d’entre elles préconise également d’abréger les passes d’armes judiciaires. Il s’agit par exemple de faire de l’appel, plus qu’avant, une voie d’achèvement du litige.
Or, c’est précisément à cette solution que conduit l’obligation pour le juge du fond de requalifier.
En effet, le plaideur obstiné qui verra son pourvoi rejeté pour défaut de base légale saura toujours trouver l’espoir de parvenir à ses fins par le truchement d’une autre qualification qui n’aura pas été expressément étudiée par ses juges.
La vertu des décisions judiciaires qui mettent fin au conflit social[156] est semble-t-il mieux servie par l’obligation de requalifier que par la faculté.
117. D’un point de vue philosophique, nous pouvons émettre l’idée qu’adopter l’obligation de requalification rapprocherait davantage la décision rendue de la vérité absolue (celle du juge) que de la vérité relative (celle des parties) dans la mesure où le juge est, par essence, détaché de tout intérêt lié au litige. Or, pour reprendre la célèbre phrase d’Henri MOTULSKY, « la justice en tant que valeur (ne doit) jamais (être) absente du prétoire »[157].
Dans le même ordre d’idée, l’obligation faite au juge de requalifier doit normalement conduire à ce que, dans chaque litige, soit appliquée la règle de droit adéquate et donc à ce que l’exigence de l’alinéa 1er soit remplie.
En outre, c’est de cette façon que, théoriquement, le principe de l’égalité des citoyens devant la justice serait le mieux respecté. Le choix arbitraire du juge de requalifier ou non disparaît avec l’obligation de requalifier. Tous les plaideurs seront à la même enseigne, celle de la loi objectivement applicable.
118. Enfin, un dernier argument peut être avancé en faveur du devoir de requalification. On a beaucoup glosé sur le fait que le décret de décembre 1998 opérait un transfert de charge de travail du juge vers les auxiliaires de justice. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour le constater au travers notamment des conclusions qualificatives et récapitulatives[158].
Or, le choix d’une lecture rigoureuse de l’article 12 du NCPC quant à l’office du juge permettrait de rééquilibrer les choses.
B/ Arguments contra obligation de requalification
119. A l’inverse, Monsieur Raymond MARTIN considère que « l’obligation d’infaillibilité » mise à la charge des juges du fond par une lecture trop exigeante de l’article 12 du NCPC conduirait à augmenter largement le nombre des pourvois en cassation et par conséquent à l’engorgement.
Selon cet auteur, « c’est donner grande matière aux critiques des pourvois, la défaillance du juge du fond n’étant pas considérée relativement aux écritures des parties, mais dans le ciel de l’absolu »[159]. Un meilleur fondement pouvant toujours être trouvé ou, à tout le moins, proposé.
120. Un certain souci de cohérence juridique plaide également pour le choix de la faculté.
En effet, en supposant que l’on fasse obligation au juge de requalifier, nous pourrions très certainement nous retrouver dans la situation dans laquelle un plaideur désappointé viendrait devant la Cour de cassation reprocher au juge du fond de ne pas avoir relevé, de son propre mouvement, un moyen ou une qualification que lui-même n’avait pas vu.
121. En ce qui concerne l’argument de l’égalité des justiciables devant la justice, il semble qu’il puisse être retourné en la faveur de la thèse de faculté.
Dans le procès civil, les deux parties sont les adversaires d’un match judiciaire dans lequel le juge est l’arbitre.
Or, pour certains, le devoir pour le juge de requalifier équivaudrait à obliger l’arbitre à marquer contre l’une des parties[160].
Il en résulterait un immense avantage pour l’un des plaideurs qui aurait tout à coup le juge pour allié.
Mais, il n’est pas du tout évident de savoir s’il est plus équitable d’obliger le juge à requalifier ou de lui laisser la faculté de ne pas le faire.
SECTION 2 : Essai de synthèse
122. La doctrine est, à la vérité, moins divisée que ne le sont les magistrats des différentes Chambres de la Cour de cassation et elle s’accommode assez bien des diverses oppositions que nous avons pu relever.
Il semble qu’il y ait aujourd’hui un consensus autour de l’idée que l’obligation de qualification ou de requalification soit le principe, mais que bien évidemment il faille le tempérer dans un certain nombre de cas.
Bien
humblement nous souscrivons dans l’ensemble à cette position, mais notre
ambition sera ici de montrer qu’il y a lieu de prendre en considération la
réforme de 1998 lorsque l’on envisage la problématique de l’office du juge au
regard de l’article 12 du NCPC.
Car, à
notre gré, il est désormais nécessaire de distinguer selon que les écritures
des parties contiennent (§2) ou non (§1) une qualification.
§1 : L’office du juge en l’absence de qualification
des écritures
123.
Comme nous l’indiquions dans la première partie de cette étude, le décret du 28
décembre 1998 met à la charge des parties une obligation de qualification de
leurs écritures.
A l’issue
de notre démonstration, nous étions arrivés à l’idée selon laquelle les
assignations (art. 56 NCPC) et les conclusions (art. 753 et 954 NCPC) qui ne
contenaient aucune qualification étaient inexistantes et que par conséquent le
juge n’était pas saisi. Nous apportions tout de même une nuance selon que les
procédures étaient avec ou sans représentation obligatoire.
Maintenant
que nous en sommes à l’étude de l’office du juge en présence de telles
écritures, notre raisonnement nous conduit à effectuer la même distinction en
voyant, d’une part, la procédure avec représentation obligatoire (A) et,
d’autre part, la procédure sans représentation obligatoire (B).
A/ La représentation est obligatoire
124. Dans
une telle hypothèse où, par définition, le juge trouve en face de lui un
professionnel du droit, nous nous sommes déclarés favorables à une sanction
rigoureuse du manquement à l’obligation de qualification puisqu’il s’agit de
l’inexistence[161].
La
conception que nous nous faisons du rôle des parties (en réalité de leurs
conseils) depuis la réforme a obligatoirement des répercussions sur l’office du
juge.
En effet,
il ne peut plus être question d’obligation ou de faculté de qualification de la
part de ce dernier puisque, désormais, il n’a plus à prendre en considération
des actes de procédure (assignation ou conclusions) empreintes d’un vice tel
(absence de la moindre qualification) qu’ils sont inexistants.
Contrairement
à ce que nous avons pu lire en doctrine, nous pensons que le devoir du juge de qualifier a été implicitement mais
nécessairement abrogé par le décret du 28 décembre 1998 en ce qui concerne les
procédures où la représentation par un professionnel du droit est obligatoire.
Reste le
devoir de requalifier.
B/ La représentation n’est pas obligatoire
125. Ici,
comme nous le précisions plus haut, la sanction ne peut pas être aussi
rigoureuse en raison de la qualité des intervenants et nous penchions pour la
nullité pour vice de forme.
Le régime
de celle-ci, plus doux que celui de la nullité pour irrégularité de fond,
laisse au juge un large pouvoir d’appréciation.
Nous
pouvons certes imaginer qu’un plaideur demande la nullité d’une assignation dépourvue
de qualification sur le fondement des articles 56 et 12 du NCPC, grief pris de
la violation du principe de la contradiction, mais il nous paraît peu probable
qu’un juge accède à cette demande.
La
qualification par le juge est plus satisfaisante dans de telles situations. Les
magistrats sont avant tout là pour juger et disposent, au travers des articles
8, 13 et 765 du NCPC notamment, des outils suffisants pour pallier la carence
de plaideurs profanes.
Par
opposition au paragraphe précédent, compte tenu du caractère particulier d’une
telle procédure et de la qualité des parties, nous sommes enclins à penser que
le juge a conservé ici le devoir de qualifier en lieu et place des parties.
§2 : L’office du juge en présence de qualification
dans les écritures
126. Nous
quittons le domaine de la qualification pour entrer dans celui de la
requalification. Il n’y a dès lors plus lieu de distinguer selon que la
représentation est obligatoire ou non. Les écritures qui sont soumises à
l’appréciation du juge possèdent ici, au minimum, un début de qualification
c’est-à-dire, rappelons-le, des faits subsumer sous une règle de droit.
Mais
comme nous le soulevions plus haut lorsque nous recherchions la sanction la
plus appropriée, la qualification peut être extrêmement succincte ou erronée.
Voyons,
dans un premier temps, quel doit être dans ce cas le rôle du juge (A) et, dans
un second temps, l’étendue de sa réaction (B).
A/ Le rôle du juge
127. A
titre liminaire, il faut rappeler que, pas plus qu’hier[162]
et en dépit des augures de certains auteurs[163],
le juge n’est aujourd’hui lié par la qualification des parties.
Ce
principe découle de la lettre de l’article 12 du NCPC qui n’a pas été
directement concerné par la réforme.
Nous
avons vu que face à des écritures insuffisamment qualifiées ou mal fondées,
deux lectures du Code étaient possibles, l’obligation ou la faculté de
requalifier.
En dépit
des différents obstacles qui l’entravaient, la doctrine a majoritairement opté
pour la thèse de l’obligation.
Le
principe serait donc que face à une qualification erronée ou inconsistante le
juge ait le devoir d’y substituer d’office sa propre qualification.
A notre
gré, cette solution est la meilleure tant en raison des dispositions de
l’article 12 du NCPC qu’en raison de l’idée que nous nous faisons de la justice
enlevant de la citée le foyer du litige qui y était né.
Le juge
ne peut pas être le simple arbitre du débat judiciaire et doit se donner les
moyens de rendre la solution juridique la plus satisfaisante possible. Nous adhérons
à la position de Monsieur Frédéric EUDIER pour qui le juge a l’obligation
« de dire le droit non pas seulement négativement en repoussant les
prétentions qui s’appuient sur des fondements juridiques inexacts, mais
positivement en recherchant le fondement juridique approprié »[164].
Pour
cela, à l’intérieur du cadre que dessine le Nouveau Code de Procédure Civile,
il doit effectuer un travail considérable.
B/ Un
devoir de requalification étendu
128. Le
travail du juge consiste d’abord à redonner aux actes et faits litigieux leur
exacte qualification.
Il a
ensuite le devoir de relever d’office les moyens de droit que nous pouvons
définir, avec Monsieur le professeur Serge GUINCHARD, comme « ceux qui
n’exigent l’appréciation d’aucun fait non déduit devant le juge du fond »[165].
En ce qui
concerne les moyens mélangés de fait et de droit, qui sont par opposition aux
précédents, ceux que le juge du fond ne pourrait relever sans prendre en
considération, même pour partie, des faits non spécialement invoqués par les
parties au soutien de leurs prétentions, nous allons voir que les avis sont
partagés entre faculté et obligation.
Il doit
enfin, comme le commande l’article 12 alinéa 1er, appliquer la règle
de droit adéquate.
Cela
conduira parfois le juge à modifier le fondement juridique de la demande des
parties. Par exemple, la requalification d’une action en résolution pour vice
caché en une action en nullité pour dol.
Cette
mission de vérification et, le cas échéant, de substitution, n’est cependant
pas, comme nous le développerons plus loin, sans limites[166].
130. La
difficulté majeure reste donc de déterminer quels sont les faits que le juge
doit prendre en considération pour effectuer sa mission.
S’agit-il
de tous les faits présents dans le débat ou uniquement de ceux spécialement
invoqués par les parties à l’appui de leurs prétentions ?
Nous
pouvons distinguer deux conceptions du travail du juge[167].
131. La
première, extrêmement ambitieuse, impose au juge la prise en compte de tous les
faits présents dans les débats[168]
ce qui inclut, par hypothèse, les faits adventices. Cette dernière notion, dont
nous devons la terminologie à Henri MOTULSKY[169],
désigne les faits signalés par les parties sans qu’elles en tirent d’effets
juridiques.
Le juge
aurait, en toutes circonstances, l’obligation de trancher le litige
conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. « Il aurait le
devoir de solliciter l’ensemble des faits qui se dégagent du dossier, qu’ils
soient ou non invoqués au soutien de la prétention »[170].
Cette
position, séduisante pour tendre vers une solution consacrant une vérité
juridique absolue, présente des inconvénients majeurs.
En
premier lieu, elle impose au juge une charge de travail disproportionnée par
rapport au temps et aux moyens dont il dispose. Nous pouvons penser, entre
autres exemples, à l’application des lois étrangères en raison d’un élément
d’extranéité.
En second
lieu, elle fait peser sur le juge du fond une obligation
« d’infaillibilité » laissant en permanence planer au-dessus de ses
décisions l’ombre de la cassation.
En
dernier lieu, en vertu de l’article 6 du NCPC, il incombe impérieusement aux
parties d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions. « Pour
que le juge qualifie, il faut lui donner matière à qualification »[171].
Une
partie déçue aura beau jeu de reprocher à un juge de n’avoir pas relever un
fait, dissimulé au fond du dossier. Il est délicat d’en demander davantage au
juge qu’aux parties.
En outre,
si un plaideur n’a pas fondé sa prétention sur tel fait, c’est sûrement qu’il
ne jugeait pas opportun de le faire.
Ce sont
les raisons pour lesquelles de nombreux auteurs lui préfèrent une analyse plus
réaliste.
132. La
seconde conception, majoritaire, exige seulement du magistrat qu’il requalifie
les faits que les parties ont spécialement invoqués à l’appui de leur demande
puisque, de toute évidence, il ne peut les ignorer. Au delà, nous retrouvons le
domaine de la faculté par l’intermédiaire de l’article 7 alinéa 2 du NCPC[172].
Mais il
semble nécessaire de rajouter que, pour les faits qu’il a énoncés comme
constants dans sa décision et alors même qu’ils n’auraient pas été spécialement
invoqués par les plaideurs, le juge retrouve son obligation de relever d’office
la règle de droit adéquate fondée sur ces éléments, à condition tout de même de
les soumettre préalablement à la contradiction.
Cette
proposition est, à notre avis, préférable à la première car elle est plus
conforme à l’évolution de la procédure civile qui tend à responsabiliser celui
qui agit en justice.
Mais elle
n’est pas dénuée de tout défaut.
133. Il
est des cas dans lesquels il serait plus satisfaisant d’imposer au juge de
relever d’office des moyens de droit reposant sur des faits qui ne seraient pas
invoqués spécialement par les parties, voire de les mettre à jour en utilisant
par exemple l’article 8 du NCPC.
Nous
pensons aux procédures sans représentation obligatoire où l’inexpérience des
plaideurs peut les conduire à occulter des faits qui, soumis au magistrat,
modifieraient complètement la physionomie du débat et partant, la solution du
litige.
CHAPITRE
2 : Conséquences et sanction de l’obligation de requalification
134.
Ainsi, le rôle du juge est-il de requalifier les faits et actes dont il a à connaître
voire, si nécessaire, de requalifier le fondement juridique des prétentions des
parties.
Cette
mission des juges du fond est d’autant plus délicate qu’elle emportera des
conséquences importantes pour le déroulement et l’issue du procès (Section 1)
et qu’elle est placée sous le contrôle de la Cour de cassation (Section 2).
SECTION 1 : Conséquences de la requalification par le
juge du fond
135. Si
l’on modifie la qualification d’un fait, d’un acte, d’un jugement ou d’un
fondement juridique, l’on change normalement le régime applicable.
Mais les
bouleversements ne seront pas les mêmes selon que le juge requalifie un acte ou
un fait qui n’est pas un élément essentiel de la démonstration (§1) ou qu’il
change le fondement juridique de la prétention (§2).
§1 :
La requalification d’un élément non substantiel
136. Si,
au cours de son travail de vérification de la pertinence des démonstrations
juridiques proposées par les parties, le juge constate qu’un des actes ou des
éléments factuels est inexactement qualifié, il a le devoir de lui restituer sa
véritable qualification.
Ce n’est
pas pour autant que la structure du raisonnement sera ébranlée.
Nous
pourrions comparer cela à un contrat dont une des clauses non substantielle
serait déclarée non écrite. Celle-là tomberait, pas celui-ci.
En
revanche, où les retentissements de l’office du juge sont tout à fait
remarquables, est la situation dans laquelle la rectification apportée par le
juge atteint le fondement juridique de la prétention d’une partie.
§2 :
La requalification d’un élément substantiel
137.
Comme nous avons eu l’occasion de l’écrire plus tôt, la qualification n’est pas
une fin en soi. Ce qui importe, en réalité, c’est le régime juridique qui y est
attaché car c’est lui qui nous conduira au résultat concret attendu qui forme l’objet du litige.
Or, si a priori les parties choisissent chacune
leur qualification en fonction de l’avantage qu’elle recherche, soit de manière
positive en amenant le juge à adhérer à leur conception des choses, soit de manière
négative en s’évertuant à démolir la thèse adverse, c’est au juge qu’il
revient, en dernier lieu, de trancher.
Dans sa
mission, il pourra être conduit à remettre en cause, de manière objective, le
choix subjectif d’une qualification qu’un plaideur aura arrêté pour les besoins
se sa démonstration.
Ce devoir
du juge est bien enfermé dans le cadre rigoureux que forment les principes de
la contradiction et de l’immutabilité de l’objet du litige[173],
mais qu’il passe ces écueils et pour peu que soient concernés des éléments
porteurs de la qualification d’une partie, les conséquences seront redoutables.
L’édifice
de la qualification juridique est parfois bien fragile. Le plaideur qui aurait
pensé l’emporter par la démonstration évidente que l’action pour vice caché de
son adversaire était irrecevable pour n’avoir pas été intentée dans un bref
délai, aura peut-être la surprise de succomber sur le terrain du dol ou du
manquement à son obligation de délivrance conforme qui ne sont pas soumises à
une telle restriction.
138. Nous
avons vu jusqu’à présent que les juges n’étaient en aucun cas tenus par les
qualifications des parties[174].
Une
affaire tout à fait remarquable sur le plan procédural va maintenant nous retenir
puisqu’elle pose le principe que, dans une certaine mesure, les qualifications
proposées par un juge ne lie pas les autres juges.
Les faits
étaient les suivants.
Un litige
opposait une société de construction navale à vingt et un plaignants dont trois
caisses d’assurance maladie.
Par un
jugement du 19 mai 1999, la juridiction de première instance avait ordonné
« un complément d’instruction qui pourra prendre la forme tant de vérifications
personnelles que de la comparution personnelle des parties ou des tiers ».
L’affaire était renvoyée à l’audience du 13 janvier 2000.
La
société, désireuse d’interjeter un appel immédiat, saisit par requête (art. 956
NCPC) le Premier président de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Le
problème juridique qu’il lui fallait surmonter était clair. En vertu de
l’article 545 du NCPC, « (les jugements avant dire droit) ne peuvent être
frappés d’appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas
spécifiés par la loi ».
Or,
l’article 272 du NCPC dispose quant à lui, que « la décision ordonnant
l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond
sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un
motif grave et légitime ».
La
difficulté majeure que la demanderesse avait à contourner était que le premier
juge avait qualifié la mesure ordonnée par lui, non pas d’expertise, mais de
complément d’instruction.
Dans son
ordonnance du 12 juillet 1999, le premier président, statuant en référé,
recevant la société en sa demande, résolva ce problème juridique par un attendu
que nous reproduisons in extenso :
« Attendu
que si les dispositions par lesquelles nous pouvons autoriser une partie à
relever appel immédiat d’un jugement qui ordonne « expertise » sans
rien trancher du principal sont d’interprétation stricte et ne peuvent
s’appliquer aux décisions qui diligentent d’autres mesures d’instruction, nous avons par contre l’obligation, sans
nous arrêter à la qualification que le juge donne aux mesures ainsi ordonnées
de rechercher si ces mesures, ou tout au moins l’une d’entre elles, ne se
définissent pas en réalité comme une expertise ; car ni la dénaturation par le juge de cette qualification, ni l’ignorance
de la procédure qu’il aurait dû suivre pour ordonner correctement une telle
expertise ne peuvent nous interdire,
après requalification, de considérer qu’elle a été prévue et d’autoriser
appel immédiat ; ces erreurs pouvant même, tout au contraire conforter le
motif grave et légitime qu’exige alors la loi, sinon le justifier à
l’occasion »[175].
Pour peu,
à la fin d’un attendu aussi clair, le lecteur s’attendrait à voir prononcer la
cassation. Mais il s’agit bien d’une ordonnance d’un juge des référés requalifiant
la décision d’un juge du fond.
En toute
hypothèse, le constat qui s’impose sur le plan pratique, c’est que la
modification de la qualification rend l’appel immédiat possible.
A la
lumière de cette décision, on s’aperçoit que le devoir du juge est très étendu
puisqu’il touche aussi bien les qualifications proposées par les parties que
celles retenues par d’autres juges[176].
Mais
qu’advienra-t-il s’il ne requalifie pas alors qu’il avait le devoir de le
faire ?
SECTION 2 : Les sanctions du manquement du juge à son
obligation de requalifier
139. La
Cour de cassation, en tant que juge suprême, exerce un contrôle sur la
qualification (§1). Si les juges du fond ne retiennent pas la bonne
qualification ou s’ils ne justifient pas suffisamment de la présence des
critères de sa mise en œuvre, leurs décisions seront censurées (§2).
§1 : Le contrôle de la Cour de cassation
140. Le
contrôle des qualifications par la Cour de cassation n’a cessé de croître au
cours des deux derniers siècles, au point que l’on puisse désormais parler d’un
contrôle général (A).
Toutefois,
il ne s’agit pas d’un contrôle absolu (B).
A/ Un contrôle général
141. Il
faut préciser, à titre liminaire, que « si l’on fait prévaloir le
« doit » sur le « peut », le juge est, à peine de cassation,
tenu de faire « le tour complet » des questions de droit dont
l’examen est nécessaire pour la solution exacte du procès, il est, dans le cas
contraire libre de négliger certains aspects »[177].
Il faut
également rappeler que « le pourvoi en cassation tend à faire censurer par
la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque à la règle de
droit » (art. 604 NCPC). Autrement dit, ce n’est pas le litige qui est
examiné, mais la décision ayant tranché ce litige.
En tant
que juge du droit, la Cour de cassation ne doit pas a priori se muer en juge du fait. C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle, la Haute juridiction abandonne parfois son contrôle au profit du
pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
En outre,
les dispositions de l’article 620 alinéa 2 du NCPC[178]
imposent que le moyen qu’elle relève d’office soit de pur droit.
Or, ce
qui nous occupe ici, c’est le contrôle de la qualification, qui n’est autre que
l’élément de fait subsumer sous la règle de droit.
La
controverse sur l’étendue de ce contrôle était inévitable.
142. Tout
au long du XIXème siècle, théories restrictives et théories générales du
contrôle des qualifications se sont succédées.
Selon le
président BARRIS, la Cour de cassation devait contrôler l’application des seules
notions juridiques qui avaient été définies par le législateur et devait
s’abstenir de toute intervention lorsque la loi s’était bornée à viser une
notion sans la définir.
Cette
position ne pouvait perdurer en raison de sa mission, fondamentale aujourd’hui,
d’unification de la jurisprudence. La Cour suprême censure désormais, outre la
fausse application de la loi, la fausse interprétation de celle-ci.
La
distinction entre qualifications générales et qualifications spécifiques que
proposait BAYARD a connu le même fatum.
Finalement
c’est la théorie du contrôle général des qualifications qui a prévalu. Son
premier défenseur a été le président DALLOZ[179].
En vertu
de celle-ci, la Cour de cassation a la possibilité d’apprécier les éléments du
dossier (acte ou faits) et de dégager de ceux-ci d’autres caractères voire
d’autres qualifications que ceux retenus par le juge du fond.
La Haute
juridiction vérifie que les éléments nécessaires à la qualification retenue par
ce juge sont effectivement présents dans sa décision et qu’ils n’ont pas été
dénaturés. Concomitamment, elle s’assure qu’une autre qualification, plus
appropriée, n’a pas été omise.
143.
Cette théorie du contrôle général de toute qualification trouve désormais un
fondement textuel dans l’article 12 du NCPC[180]
puisque ses dispositions valent également pour le juge de cassation.
Mais en
dépit du fait que le principe de contrôle général soit clairement posé, le
contrôle n’est tout de même pas absolu.
B/ Un contrôle non absolu
144. En
premier lieu, il convient de faire état de la controverse qui porte sur le
contenu de la notion de cause de la demande. Ce terme a bien disparu du NCPC au
profit de celui de fondement des prétentions, mais son influence est toujours
vivace.
L’enjeu
de la discussion porte sur le fait de savoir si la cause contient exclusivement
les faits ou si l’on peut y inclure la qualification juridique de ceux-ci.
La
première thèse est soutenue par MOTULSKY[181],
la seconde trouve notamment écho auprès du Doyen VINCENT[182]
et de Pierre HEBRAUD[183].
L’interrogation
est primordiale quant à l’office du juge car, en vertu du principe de
l’indisponibilité de la cause, si la seconde conception l’emporte, le juge du
fait ne pourra pas modifier la qualification avancée par les parties et par
suite, le contrôle des qualifications par le juge de cassation ne pourrait pas
s’opérer.
Nous
avons vu que dans la procédure civile moderne le découpage commode du fait et
du droit, quant au rôle des parties et du juge, s’était peu à peu atténué[184].
En revanche,
les principes directeurs du procès ont gardé la force qui était la leur lors de
la codification de 1971.
Si
aujourd’hui, les plaideurs sont tenus de viser dans leurs écritures une règle
de droit (art. 56, 753 et 954 NCPC), le juge n’est toujours pas lié. Les seules
conséquences juridiques véritables concernent les sanctions du manquement à
l’obligation des parties de qualifier[185].
Il semble
donc que la thèse de MOTULSKY soit encore d’actualité et que, par conséquent,
il faille toujours considérer que les qualifications juridiques ne sont pas
incluses dans la cause. Les juges du fond peuvent les modifier et il doit donc
y avoir un contrôle de la Cour de cassation.
La
jurisprudence s’est massivement ralliée à cette conception dès la promulgation
du nouveau Code.
Mais
certaines décisions ponctuelles détonnent dans la mesure où le juge de
cassation refuse de pratiquer ce contrôle.
Ainsi, un
arrêt de rejet de la Chambre commerciale en date du 23 juin 1992[186]
approuve les juges d’appel, en dépit du moyen du demandeur qui leur reprochait
de n’avoir pas recherché si le défaut relevé ne s’analysait pas en un
manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, de n’avoir pas
statué sur ce dernier fondement, motif pris que « les juges du fond sont
liés par la prétention des parties et ne peuvent modifier l’objet du litige
dont ils sont saisis ».
145. En
second lieu, un certain nombre de situations échappent, de façon opportuniste
semble-t-il, au contrôle de la Cour de cassation.
Ces
espèces sont facilement identifiables. Il s’agit nécessairement d’un arrêt de
rejet dans les moyens de cassation duquel la qualification retenue par la
décision attaquée était remise en cause.
La Haute
cour se réfère alors volontiers aux pouvoirs souverains d’appréciation des
juges du fond. L’immense majorité de ces hypothèses concerne des qualifications
juridiques qui supposent la recherche d’éléments relevant davantage du domaine
du fait que du domaine du droit.
L’étude
de ces situations nous conduirait à les compiler toutes dans un catalogue. Mais
le temps nous manquant, nous ne ferons référence qu’à un récent arrêt du 4
octobre 2000[187] dans
lequel la Cour de cassation a abandonné le contrôle de la notion de
contestation sérieuse en matière de référé.
Toute
latitude est dès lors laissée aux juges du fond qui en apprécieront
souverainement la réalité.
Mais, il
n’en reste pas moins que, dans la plupart des cas, la Cour de cassation opère
un contrôle rigoureux et que le juge qui n’aura pas appliqué la bonne
qualification par rapport aux éléments du dossier, voire à ses propres
constatations, verra sa décision censurée.
§2 :
La sanction de la Cour de cassation
146. Il
est vrai que moins la norme est précise, plus la latitude de qualifier et de
requalifier est grande. Cette flexibilité de la norme augmente donc d’autant le
risque de cassation.
Il est
aussi vrai que ce sont dans ces situations que le rôle de la Cour de cassation
a le plus d’importance en tant que guide de l’interprétation de la loi.
La
procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation a d’ailleurs pour vertu
d’activer ce phénomène d’uniformisation de la jurisprudence qui est un gage de
l’égalité des citoyens devant la justice.
Le
système juridique français ne connaît pas le principe du précédent et les arrêts
de la Haute cour ne s’imposent pas aux juges du fond[188],
mais compte tenu de l’autorité qu’ils représentent, leur impact sur la
jurisprudence des juridictions inférieures est déterminant.
Malgré
tout, les juges ne sont pas infaillibles et ils peuvent manquer à leur devoir
de requalifier. C’est alors qu’interviendra la cassation.
147. En
général, celle-ci sera prononcée pour violation de la loi par fausse
qualification. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, une décision dans
laquelle le juge du fond avait qualifié de vice de forme l’irrégularité d’un
acte qui en réalité était constitutive d’un vice de fond[189].
Monsieur
le professeur Serge GUINCHARD distingue encore et fait état de l’ouverture à
cassation par violation de la loi pour refus d’application de la règle
adéquate.
« Commet
ainsi une violation de la loi par fausse application, le juge qui fait
application d’une règle de droit en ayant pourtant relevé qu’une de ses
conditions d’application n’était pas remplie »[190].
Il distingue
à nouveau en précisant que « il y a violation de la loi en cas de fausse
interprétation de celle-ci »[191].
Ces
sous-distinctions ne nous paraissent pas fondamentales dans la mesure où elles
dérivent toutes de la même matrice qui est la violation, par le juge du fond,
des dispositions de l’article 12 du NCPC.
148. En
revanche, de manière plus inattendue, nous pouvons régulièrement rencontrer des
arrêts prononçant la cassation pour défaut de base légale[192].
Ce cas
d’ouverture à cassation n’est pas défini par le NCPC, mais la doctrine
s’accorde à dire qu’il se détermine « comme l’ouverture à cassation
sanctionnant l’insuffisance des constatations de fait nécessaires pour
justifier l’application du texte sur le fondement duquel les juges du fond ont statué »[193].
Il semble
que, comme l’indique MOTULSKY, le défaut de base légale commande deux sortes de
décisions, les unes affirmatives par lesquelles le juge accorde un droit
subjectif sans préciser complètement les faits nécessaires à l’application de
la règle de droit et les autres, négatives, par lesquelles le juge rejette à
tort une prétention sans vérifier qu’aucune qualification ne permettait de
satisfaire le demandeur.
Seule la
seconde sorte de décision nous intéressera ici car c’est celle qui correspond
au manquement par le juge à son obligation de requalification.
Or, c’est
précisément celle-ci qui fait l’objet de critiques de la part d’une partie de
la doctrine[194].
Outre le
fait qu’elle présuppose une conception de l’office du juge très exigeante[195],
l’idée est avancée que ce cas d’ouverture ne corresponde pas au but recherché
de contrôle des qualifications par la Cour de cassation.
149. En
effet, Monsieur Philippe BRETAUDEAU soutient, dans sa note sous l’arrêt de la
première Chambre civile du 16 avril 1991[196],
que le seul cas d’ouverture satisfaisant pour censurer une décision dans
laquelle les juges ont omis de requalifier est l’excès de pouvoir.
Celui-ci
permet le contrôle du respect par le juge du fond des pouvoirs que le NCPC leur
a conférés.
L’auteur
précise qu’il s’agit là d’un excès de pouvoir négatif, puisque le juge du fond
n’a pas exercé tous les pouvoirs (et même les devoirs) que l’article 12 alinéa
2 met à sa disposition.
En
l’espèce la Cour d’appel avait débouté le demandeur qui intentait une action en
résolution de la vente pour vice caché et s’était abstenue de rechercher si ces
faits n’étaient pas constitutifs d’un dol.
Elle
aurait dû requalifier, la Cour de cassation l’a censuré, mais elle aurait dû le
faire sur la base de l’excès de pouvoir, ici entendu négativement par le fait
de ne s’être pas conformé aux dispositions de l’article 12 alinéa 2.
Toujours
selon cet auteur, ce cas d’ouverture à cassation est le seul vraiment
applicable au contrôle des qualifications par la Cour de cassation à l’exclusion
de ceux pour défaut de base légale et de violation de la loi par fausse
qualification.
En effet,
en appliquant ce dernier cas d’ouverture à l’espèce du 16 avril 1991, la Cour
de cassation aurait dû soulever d’office un moyen mélangé de fait et de droit[197]
en contravention avec les termes de l’article 620 alinéa 2 du NCPC.
A
l’inverse, « La cassation pour excès de pouvoir permet d’éviter cet écueil
car la censure s’exercera sous le visa d’un texte relatif aux pouvoirs du juge
en matière de qualification (art. 12 al. 2 NCPC) au regard duquel le moyen sera
de pur droit »[198].
150. En
dehors de ces considérations théoriques, la grande difficulté de la question du
contrôle des qualifications par la Cour de cassation résulte du fait que la
perception du devoir de curiosité dont doivent faire montre les juges du fond
est différente selon les chambres.
Le
résultat est une jurisprudence erratique qui nuit à la sécurité juridique et à
l’égalité des citoyens devant la justice.
Mais en
tout état de cause, pour souhaitable qu’elle soit, la requalification ne doit
jamais avoir pour conséquence de remettre en cause le principe d’immutabilité
du litige.
TITRE 2 : LES LIMITES A L’OBLIGATION DU JUGE DE
REQUALIFIER
151. L’obligation
faite au juge de requalifier par l’article 12 du NCPC n’est assurément pas sans
limites.
Le juge a
en effet la charge de faire respecter l’ensemble des principes directeurs du
procès civil. Ce sont les limites du droit interne (Chapitre 1).
Mais en
matière de droit procédural pas moins qu’ailleurs, le juge national doit tenir
compte des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et de libertés fondamentales. Ce sont les limites du droit européen
(Chapitre 2).
CHAPITRE
1 : Les limites du droit interne
152. Les limites que connaît le devoir du juge du
fond de requalifier en droit interne sont de deux ordres.
Nous
pouvons en effet distinguer les limites générales (Section 1), qui procèdent du
respect des principes directeurs du procès par le juge, des limites spéciales
(Section 2) qui découlent du pouvoir de liaison du juge par les parties.
SECTION 1 : Les limites générales
153. Ici
aussi la distinction sera bipartite car seuls deux des principes directeurs du
procès civil que le juge doit respecter
nous retiendront dans nos développements.
Nous
verrons d’une part, le principe de l’immutabilité du litige (§1) et, d’autre
part, le principe de la contradiction (§2).
§1 : Le principe de l’immutabilité du litige
154.
Cette expression, que nous avons empruntée à Messieurs VINCENT et GUINCHARD[199],
traduit le principe selon lequel « le juge ne peut modifier ni l’objet, ni
la cause de la demande, ni statuer infra ou
ultra petita ».
Ce
principe, même s’il est moins rigoureusement respecté en procédure civile qu’en
procédure administrative où, selon les mots de Monsieur le professeur Charles
DEBBASCH, « plus le procès évolue et plus il se fige », ne
constitue pas moins une sérieuse limite à l’obligation du juge de requalifier.
La notion
de cause de la demande, qui nous a déjà retenu plus haut[200],
ne sera évoquée que dans le dessein de définir la notion d’objet du litige (A).
C’est
ensuite le principe de l’immutabilité de l’objet du litige par rapport à l’office
du juge qui nous occupera (B).
A/ Définition de la notion d’objet du litige
155. Afin
de circonscrire, de la manière la plus précise possible, cette notion cardinale
du droit judiciaire privé, nous tenterons d’une part de la décrire de façon négative
(1) et, d’autre part, de façon positive (2).
1/ Définition négative de la notion d’objet
156. Dans
cette première approche, nous allons nous attacher aux différences qui séparent
d’une part la notion d’objet du litige de celle de cause (a) et, d’autre part,
les notions d’objet et de prétentions (b).
a/ Différences entre objet et cause du litige
157. Cela
sonne comme l’évidence même, la cause et l’objet du litige sont des notions
bien distinctes.
La
première est, rappelons-le, constituée par « le complexe de faits
générateur de la qualification »[201].
Le
principe de son immutabilité est posé par l’article 7 du NCPC alors que celui
de l’objet découle de l’article 4 du même Code.
La cause
sert essentiellement à déterminer si une demande est nouvelle ou non et si une
action est susceptible de se heurter à l’autorité de chose jugée.
Sur ce
dernier point, l’article 1351 du Code civil dispose en effet que, « il
faut que la demande soit fondée sur la même cause » que celle de la
demande qui a déjà été jugée.
Cependant,
il semble qu’il faille considérer que dans le cas particulier de l’article 1351
la cause s’entende comme le fondement juridique de la demande[202].
Par
conséquent la chose jugée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ne
s’oppose pas à une nouvelle action fondée sur l’article 1384 alinéa 1 du même
Code[203].
Plus
délicate sera la confrontation de la notion d’objet à celle de prétention.
b/ Différences entre objet et prétention
158. Deux
questions nous arrêteront. Premièrement, la règle de droit est-elle incluse ou
exclue de la notion d’objet et deuxièmement, l’objet et la prétention
sont-ils synonymes ?
Selon les
dispositions de l’article 4 alinéa 1er du NCPC, « l’objet du
litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ».
Aucune
définition des prétentions n’est donnée par l’article, mais le deuxième alinéa
nous renseigne sur l’endroit où celles-ci se trouvent quand il précise que
« ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les
conclusions en défense ». Il s’agit de l’assignation et des conclusions.
Or, si
nous mettons en perspective les dispositions des articles 56, 753 et 954 du
NCPC qui commandent que les écritures en cause contiennent expressément les
moyens de droit, nous devons nécessairement en conclure que la prétention
contient la règle de droit.
159. Ce
constat permet de répondre à la seconde interrogation.
Selon
Monsieur le professeur Serge GUINCHARD, « l’objet de la demande est encore
dénommé prétention, les deux appellations semblent synonymes »[204]
(notons que cet auteur préfère les termes d’objet de la demande à ceux d’objet
du litige).
Nous ne
pouvons pas nous rallier à cette opinion dans la mesure où, comme nous l’avons
soutenu plus haut, depuis la réforme de 1998, le droit est inclus dans la
prétention.
En effet,
considérer que les notions d’objet et de prétention sont synonymes signifierait
que les moyens de droit font désormais partie de l’objet du litige et que, par
conséquent, en vertu du principe de son immutabilité, le juge ne pourrait plus
requalifier. L’article 12 du NCPC serait dès lors implicitement abrogé.
Ainsi,
l’objet n’est pas la prétention, la seconde contient les moyens de droit, pas
le premier. Mais alors, qu’est-il vraiment ?
2/ Définition positive de la notion d’objet
160.
L’objet est dans la prétention, mais n’est pas la prétention. Finalement, il
semble que cela soit le juge qui détermine, au vu des écritures des parties, ce
qu’elles veulent réellement.
La
définition donnée par MOTULSKY, il y a longtemps déjà, nous semble encore la
plus adaptée. « L’objet de la demande est le résultat économique ou social
(attendu) »[205],
la qualification juridique étant exclue.
Il n’est
pas toujours évident pour un magistrat de percevoir précisément quel est le
résultat concrètement espéré par les parties, notamment lorsque la
représentation n’est pas obligatoire.
Aussi,
devra-t-il parfois interpréter leurs écritures, à l’instar de ce qu’il fait en
matière de droit des obligations, lorsque la commune intention des parties ne
ressort pas clairement de la convention[206].
Toutefois,
sauf erreur terminologique flagrante, il doit être présumé que ce que souhaite
une partie correspond exactement au vocable juridique qu’elle emploie pour le
désigner.
B/ La mise en œuvre du principe d’immutabilité de l’objet
vis-à-vis du juge
161. Nous
allons voir en étudiant le contenu du principe de l’immutabilité de l’objet
(1), qu’encore une fois, celui-ci est général mais non absolu.
Nous
aborderons ensuite les sanctions que déclenche son inobservation (2).
1/ Contenu du principe
162. Ce
principe est rattaché aux dispositions de l’article 4 du NCPC. Une lecture a contrario du second alinéa permet en
effet de déduire que, si les demandes incidentes des
parties peuvent modifier l’objet du litige dans la mesure où elles présentent
un lien suffisant avec la demande initiale, le juge lui, ne le peut en principe
jamais.
Le strict
respect de l’intégrité de l’objet du litige par le juge se traduira par son impossibilité
à modifier le résultat économique et social attendu par l’intermédiaire de
l’opération de requalification.
La
difficulté est, à ce stade de notre exposé, précisément circonscrite. Le juge
doit requalifier lorsque la qualification retenue par les parties est erronée,
il doit l’interpréter quand elle obscure[207],
mais il ne doit en aucune manière modifier l’objet du litige, c’est-à-dire,
accorder un avantage qui n’aurait pas été sollicité ou en accorder un
différent.
163.
Quelques exemples jurisprudentiels illustreront notre propos.
Méconnaîtrait
les dispositions de l’article 4 du NCPC, le juge qui substituerait à une
demande en nullité d’un contrat de société en participation, alors que cette
qualification n’est pas contestée par les parties, une requalification du
contrat en une cession à la valeur nominale de parts sociales avec réserve de
jouissance tant active que passive des droits qui y sont attachés[208].
Ce n’est
pas que l’absence de désaccord des parties soit un obstacle à la
requalification, mais la demande de nullité du contrat n’a rien de commun avec
la requalification en cession opérée par le juge.
En
matière de divorce, serait entachée d’illégalité la décision du juge qui
accorderait une pension alimentaire alors qu’une prestation compensatoire était
demandée[209]. Ces deux
notions juridiques connaissent en effet des régimes forts différents.
Ces
solutions s’imposent dans la mesure où l’avantage reçu ne sera pas du tout le
même que celui demandé.
164. Inversement,
le juge n’outrepassera pas ses pouvoirs en prononçant la résolution d’une vente
sur le fondement de l’article 1184 du Code civil alors que le demandeur s’était
basé sur l’article 1641 du même Code.
La
solution s’impose encore car, que l’on obtienne la résolution à la suite d’une
action en garantie des vices cachés (art. 1641 C. civ.) ou pour mauvaise
exécution (art. 1184 C. civ.), l’objet demeurera inchangé.
Dans les
deux cas de figure, les procédés aboutiront au même résultat, la résolution du
contrat.
Pour
Monsieur Raymond MARTIN, « il y a équivalence des droits subjectifs. Le
juge pouvait donc, en vertu de l’article 12 du Code, passer d’un fondement
juridique à un autre »[210].
De même
est-il loisible au juge de substituer l’article 1384 alinéa 1er du
Code civil à l’article 1382 du même Code. Dans les deux hypothèses, il s’agit
d’une action en responsabilité délictuelle qui ne modifie en rien le but
poursuivi par la victime et qui réside dans son indemnisation[211].
165.
Toutefois certaines situations sont plus subtiles. Ainsi, dans l’arrêt Scali[212],
le passage d’une action rédhibitoire, fondée sur l’article 1648 du Code civil,
à une action en nullité pour vice du consentement, fondée sur l’article 1116 du
même Code (dol), serait constitutif d’une modification de l’objet du litige
contraire à l’article 4 du NCPC. Le changement de type d’action ne passerait
pas l’épreuve du texte[213].
166.
Cependant, bien que le principe d’immutabilité de l’objet du litige pour le
juge soit d’une portée générale, il n’est pas complètement intangible.
En
premier lieu, le juge doit en toute occasion respecter et faire respecter
l’ordre public. Il ne pourra donc jamais accorder un avantage qui contredirait
cet impératif.
En second lieu, la loi prévoit parfois la
possibilité pour le juge d’accorder d’office certains avantages. Ces
prescriptions légales touchent des domaines variés[214].
Ainsi,
pour rester dans le droit processuel, selon l’article 24 alinéa 2 du NCPC, le
juge peut-il « prononcer, même d’office, des injonctions, supprimer les
écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses
jugements ».
En
matière d’exécution des jugements, le juge peut, sur la base de l’article 515
du NCPC, assortir d’office sa décision de l’exécution provisoire.
En dernier
lieu, la théorie des demandes implicites ou virtuelles permet au juge de
« n’être pas trop étroitement enserré dans l’étau des conclusions »[215].
Ce sont
celles que le juge découvre derrière les demandes explicites et qui sont
nécessairement comprises dans l’objet du litige.
A défaut,
la première demande ne saurait être accueillie : saisi d’une demande de
majoration de rente pour assistance à une tierce personne, le juge peut en
l’accordant, porter à 100 % le taux d’incapacité, la majoration considérée
supposant nécessairement une incapacité totale[216].
Mais, le
juge devra prendre garde à ne pas contrevenir à un autre principe cardinal de
la procédure, celui de la contradiction.
En tout
état de cause, que le juge contrevienne au principe de l’immutabilité de
l’objet du litige, sauf les exceptions évoquées ci-dessus, et les sanctions
prévues par le Code s’appliqueront.
2/ Les sanctions de l’inobservation du principe
167. Un
certain nombre de dispositions du NCPC permettent de remédier à l’inobservation
par le juge du principe de l’immutabilité de l’objet.
Il y a
d’abord la possibilité, prévue par l’article 464 du NCPC, de déposer dans
l’année une requête en rectification auprès de la juridiction qui a statué si
celle-ci « s’est prononcée sur des choses non demandées ou s’il a été
accordé plus que demandé ».
Ensuite,
l’appel sera possible soit qu’il porte sur la décision rejetant la requête en
rectification, soit que la décision initiale, qui contrevenait au principe
d’immutabilité, ait été frappée d’appel sans qu’aucune requête n’ait été
déposée. En effet, l’effet dévolutif de l’appel remet en cause la substance
même du jugement.
Enfin, le
pourvoi en cassation viendra clore le marathon judiciaire.
§2 : Le respect du principe de la contradiction entre
le juge et les parties
168. A
quelques rares exceptions près[217],
tous les pouvoirs du juge doivent s’exercer dans le respect du principe de la
contradiction et si le juge doit requalifier, c’est en respectant
scrupuleusement ce principe.
Véritable
entretoise de la procédure civile, l’article 16 du NCPC dispose que « le
juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le
principe de la contradiction ».
En ce qui
concerne le devoir du juge de requalifier, quelques réflexions s’imposent.
169. En
premier lieu, s’agissant du moment où la contradiction doit être respectée, il
semble qu’il faille de nouveau distinguer selon que la requalification touche
un élément essentiel de la démonstration juridique d’une partie ou non.
Si ce
n’est pas le cas, l’information des plaideurs le jour des plaidoiries sera
suffisante pour que le principe soit respecté.
En
revanche, si un élément substantiel est modifié, le plaideur qui aura vu son
raisonnement amputé par l’office du juge devra avoir le temps nécessaire pour
rectifier sa stratégie. Il s’agira d’une appréciation au cas par cas.
170. En
second lieu, le respect ou non de la contradiction par le juge qui
requalifierait au cours d’une procédure orale sera difficilement vérifiable.
Ce
d’autant que la jurisprudence de la Cour de cassation, favorable à une
présomption de régularité de la procédure[218],
constituera un obstacle supplémentaire pour le plaideur insatisfait.
171. En
dernier lieu, certains arrêts de la Cour de cassation relevés par Monsieur le
professeur Jacques NORMAND[219],
permettraient aux juges, en matière de requalification des faits et des actes,
de s’affranchir des exigences de la contradiction.
Selon la
Première chambre civile, il suffirait pour ce faire que la règle de droit que
le juge applique « ne trouve son assise matérielle dans aucun fait qui
n’ait à être réexaminé et apprécié de façon nouvelle »[220].
Cette
justification paraît pour le moins sommaire dans la mesure où, lorsque la
contradiction s’est opérée sur les éléments en cause, ils n’étaient pas
qualifiés de la même façon ce qui a peut-être conduit les parties à les éluder.
Mais,
telles mésaventures ne pourraient arriver aux parties qui auraient utilisé leur
pouvoir de lier du juge.
SECTION 2 : Les limites spéciales
172. Dans
un schéma procédural classique, le juge doit requalifier en respectant
strictement, outre le principe de la contradiction, celui de l’indisponibilité
de la cause du litige, c’est-à-dire les éléments de fait apportés par les
parties, ainsi que celui de l’immutabilité de l’objet du litige, c’est-à-dire
le résultat économique ou social attendu. Le droit, en dépit de l’obligation
faite aux parties de qualifier, est laissé à la sagesse du juge.
Toutefois,
le codificateur de 1971 a prévu deux types de dérogations à cet ordonnancement.
Il s’agit d’une part, du pouvoir des parties de lier le juge quant au droit
applicable (§1) et, d’autre part, de la possibilité qui leur est offerte
d’opter pour l’amiable composition (§2).
Dans le
premier cas, le droit est apporté par les plaideurs, dans le second, il est
écarté par ceux-ci.
§1 : Article 12 alinéa 3. La liaison du juge par les
parties quant au droit applicable
173. Nous
passerons rapidement sur cette disposition du NCPC que nous avons déjà eu
l’occasion d’aborder avec le rôle des parties au procès[221].
Il faut
toutefois relever, ce qui est remarquable au regard des principes de notre
procédure civile, que si les parties optent pour cette possibilité,
l’immutabilité du litige s’étendra au droit et le juge sera dispensé du devoir
de requalifier.
Il s’agit
d’une manifestation formidable du principe accusatoire tant réclamé par
certains[222].
Cependant,
hormis les litiges relevant du droit international privé[223],
cette méthode de règlement des litiges est peu utilisée par les plaideurs.
Ce
désintéressement provient sans doute des conditions strictes de sa mise en
œuvre.
§2 : Article 12 alinéa 4. L’amiable composition
judiciaire
174. Ce
texte permet aux parties de demander au juge de statuer en équité. Il s’agit
d’une dérogation réglementaire au principe selon lequel le juge doit statuer en
droit et non en équité[224].
Les
conditions de mise en œuvre sont proches de celles que connaît l’article 12
alinéa 3.
Cette
procédure nécessite un accord exprès des parties, que le litige soit né
(l’alinéa 3 ne demande pas cette condition) et la libre disposition des droits
en cause.
La
qualité d’amiable compositeur signifie que les règles de droit perdent, à
l’égard du juge, leur caractère impératif.
Ce n’est
pas pour autant qu’il ne puisse pas les appliquer, mais il lui est loisible de
les écarter si l’équité lui commande de le faire.
Ceci
explique que le pourvoi en cassation soit exclu. En effet, il aurait eu pour
objet de contrôler une décision pour l’obtention de laquelle l’application de la
loi était facultative.
En ce qui
concerne l’appel, la règle se trouve inversée par rapport à celle que connaît
l’arbitrage privé puisque ici la sentence est, par principe, susceptible
d’appel à moins que les parties n’y aient spécialement renoncé.
175. Nous
mesurons à quel point l’amiable composition judiciaire est dérogatoire au droit
commun.
Non
seulement, elle va à l’encontre de la fonction première du juge qui est
l’application et le respect de la règle de droit, mais il va encore
« au-delà d’une simple extension des pouvoirs du juge, puisqu’elle lui
permet de retenir une solution contraire à la norme juridique »[225].
176.
L’arbitrage judiciaire proposé par l’article 12 alinéa 4 du NCPC n’a pas connu
plus de succès que son cousin de l’alinéa 3.
Pour certains
auteurs, cet insuccès n’est pas mérité. Ainsi, selon Monsieur Jean-Pierre
BROUILLAUD[226], il est
dommage que les plaideurs se passent de cette possibilité qui leur est offerte
par le Code car ce juge arbitre possède beaucoup d’avantages.
Le juge
arbitre né de la volonté des parties serait à la fois meilleur que le juge et
meilleur que l’arbitre.
177. En
effet, l’équité lui permettrait de s’affranchir de la règle de droit qui dans
certains cas, peut aboutir à une solution injuste.
De plus,
dans l’hypothèse de relations suivies entre les deux parties, l’amiable
composition judiciaire serait préférable à une procédure classique car la
sentence prise en équité permettrait plus facilement la reprise de relation
ultérieures. Il est vrai que la notion d’affrontement est moins présente.
En outre,
contrairement à l’arbitrage privé, il n’est point besoin ici d’entamer une
procédure d’exequatur. On verrait d’ailleurs mal la décision d’un tribunal
soumise à un contrôle présidentiel.
Enfin, le
recours au juge est gratuit.
Dès lors,
il semble qu’une modification du texte qui supprimerait la condition du litige
né et un assouplissement de la procédure seraient suffisants pour attirer plus
de plaideurs.
« En
effet, après la naissance du litige, les parties – ou du moins l’une d’entre
elles - ne sont plus disposées à abandonner certains de leurs droits »[227].
CHAPITRE
2 : Les limites du droit européen
178.
L’objet des prochains développements sera de déterminer si les dispositions de
l’article 12 du NCPC sont compatibles avec les exigences mises à la charge des
états signataires par l’article 6 de la Convention EDH.
Autrement
dit, le devoir de requalification du juge national contrevient-il au principe
du procès équitable ?
Après
avoir défini les notions en cause et relevé les enjeux de ce débat (Section 1),
nous vérifierons dans quelle mesure une telle violation peut être retenue
(Section 2).
SECTION 1 : Les éléments de la discussion. Définitions
et enjeux
179. Nous
pouvons imaginer qu’un plaideur insatisfait, non rompu aux règles du droit
processuel, se sente victime d’une rupture d’égalité dès lors que son conseil
l’aura informé que le juge à requalifié de son propre mouvement un élément du
litige qui l’opposait à son adversaire.
Il aura
certainement pu arguer devant les différentes juridictions nationales d’une
violation du principe, constitutionnellement protégé, de l’égalité des citoyens
devant la loi[228], mais ses
chances de succès auront été extrêmement limitées.
Faute de
pouvoir s’adresser au juge constitutionnel national, ce plaideur sera peut-être
tenté d’aller chercher à Strasbourg ce qu’on lui aura refusé à Paris, d’autant
qu’une partie de la doctrine pousse dans ce sens.[229]
Le débat
se reportera alors sur le terrain de la notion de procès équitable qu’il
convient maintenant de définir (§1).
Nous
verrons ensuite que l’enjeu de la discussion est considérable (§2).
§1 : Définition de la notion de procès équitable
180. Il
s’agit de la notion prééminente de la Convention EDH. Elle découle des dispositions
de son article 6§1.
La notion
de procès équitable comprend, en réalité, plusieurs principes qui sont
essentiellement destinés à assurer un bon déroulement du procès.
La liste
n’est pas limitative, mais il y a le principe de la contradiction, le délai
raisonnable, le droit à l’exécution de la décision, l’égalité des armes et
l’impartialité du juge.
Seuls les
deux derniers retiendront ici notre attention.
181. En
ce qui concerne l’égalité des armes, c’est dans l’arrêt Neumeister du 27 juin 1968[230]
que la Cour EDH a pour la première fois retenu ce principe qui veut qu’une
partie ait « une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal
dans des conditions qui ne la désavantage pas d’une manière appréciable par
rapport à la partie adverse ».
Cependant,
il faut d’ores et déjà noter que ce principe, si large soit-il, n’a pas un
caractère absolu.
Il suffit
en effet, que les parties bénéficient d’une situation raisonnablement
égalitaire.
182. Le
principe d’impartialité du juge quant à lui, « interdit au magistrat
appelé à siéger dans une juridiction de jugement d’avoir, à un titre ou à un
autre, eu préalablement connaissance des éléments du dossier »[231].
Toutefois,
pour apprécier ce principe, également très général, il est nécessaire de se
pencher sur la jurisprudence très abondante de la Cour EDH.
Le
résultat est beaucoup plus contrasté que ce que pourrait laisser entendre
l’énoncé du principe.
Ce qui
importe, c’est le rôle déterminant ou non qu’aura tenu le juge lors des
différentes phases du procès.
Ainsi,
selon la Cour de cassation, le principe d’impartialité ne s’applique qu’aux
juridictions appelées à se prononcer sur le fond d’une affaire et ne saurait en
conséquence concerner la chambre d’accusation dont les décisions ne préjugent
en rien de la culpabilité[232].
§2 : Les enjeux de la discussion
183. Il
ne faut pas s’y tromper, la question de savoir si les dispositions de l’article
12 du NCPC contreviennent à celles de l’article 6§1 de la Convention EDH peut
paraître uniquement doctrinale, mais une réponse affirmative aurait un impact
terrible.
En effet,
si la Cour EDH venait à considérer que le fait pour le juge de requalifier, qui
est rappelons-le le principe, était contraire à la Convention, cela
équivaudrait à une abrogation implicite de l’article 12 du NCPC.
Chaque
fois qu’un juge requalifierait, sa décision serait susceptible de valoir à la
France une condamnation.
Ce ne
serait du reste pas la première fois que l’on assisterait à ce phénomène. Tel a
été le cas, par exemple, avec la condamnation de la France dans l’arrêt Mazurec du 1er février
2000[233]
qui a conduit à l’abrogation implicite (qui devrait d’ailleurs devenir
effective avec la réforme attendue sur la famille) de l’article 760 du Code
civil.
Mais ici,
il ne serait pas question de la remise en cause de la méthode de calcul de la
part d’héritage devant revenir à un enfant adultérin, mais d’un des fondements
les plus essentiels de notre procédure civile depuis plus d’un siècle.
Aussi,
est-il maintenant nécessaire de vérifier de façon détaillée la compatibilité
des deux normes.
SECTION 2 : Confrontation de l’article 12 NCPC avec
l’article 6§1 CEDH
184. Ce
débat a été amorcé, semble-t-il, par une note de Monsieur Raymond MARTIN[234].
Au terme de celle-ci il concluait à une violation de deux principes contenus
dans la Convention EDH par la pratique de la requalification.
Il s’agit
d’une part du principe du procès équitable et plus particulièrement de
l’égalité des armes (§1) et, d’autre part, de celui de l’impartialité du
tribunal (§2).
Toutefois,
la majorité de la doctrine n’adhère pas à cette thèse et considère qu’il n’y a
aucune incompatibilité entre la pratique nationale telle qu’elle découle de
l’article 12 du NCPC et les principes défendus par le texte européen[235].
Voyons de
quoi il retourne.
§1 : L’office du juge et l’égalité des armes
185.
Ainsi, le fait pour le juge de requalifier de son propre mouvement un acte ou
un fait du litige déséquilibrerait le débat judiciaire au point de valoir à la
France une condamnation par la Cour de Strasbourg.
Selon
Monsieur MARTIN, dans le procès civil tel que nous le connaissons aujourd’hui,
une des deux parties reçoit nécessairement le renfort du « juge
providence » à chaque fois que celui-ci entreprend spontanément de
requalifier.
L’auteur
accorde toutefois que cette inégalité disparaîtrait si le juge respectait
scrupuleusement l’obligation qui lui est faite par le Code de requalifier, mais
que compte tenu de la pratique actuelle, cette hypothèse n’est qu’illusoire.
« Il semble que la Cour de cassation, de chambre en chambre, décide que
l’article 12 contient une obligation quand elle veut casser, ou simplement une
faculté quand elle ne veut pas casser »[236].
Cette
idée selon laquelle le pouvoir discrétionnaire du juge de requalifier ou non
romprait l’égalité entre les plaideurs est séduisante, mais ne correspond qu’à
une vision incomplète des choses.
186. A
notre gré, cette démonstration manque de pertinence et le risque pour notre
procédure civile de contrevenir aux garanties de bonne justice contenues dans
la Convention EDH est improbable.
En
premier lieu, nous savons que le principe de l’égalité des armes que la Cour
EDH a déduit du texte de l’article 6§1 n’est pas absolu. A la vérité, peu de
principes[237] protégés
par la Convention EDH ont ce caractère.
Même
certaines garanties de nature procédurale, qui nous sembleraient intangibles
comme le principe de la publicité des débats, peuvent connaître des
aménagements.
En second
lieu, c’est bien l’obligation de requalifier qui est le principe, même s’il
connaît un certain nombre d’exceptions, et par conséquent le principe de
l’égalité des armes se trouve consacré par le Code.
En
dernier lieu, en ce qui concerne le domaine de la faculté de requalifier que le
juge retrouve lorsqu’il s’agit de prendre en considération des faits adventices[238],
il n’est pas du tout certain qu’il implique nécessairement une contravention au
principe de l’égalité des armes.
187.
Trois observations permettent de le vérifier.
Tout d’abord,
comme nous avons eu l’occasion de le voir tout au long de cette étude, la
distribution des rôles entre le juge et les plaideurs qui voulait que le droit
revienne au premier et les faits aux seconds est surannée.
Dès lors,
les parties ne sont pas complètement dépendantes de l’office du juge
puisqu’elles doivent lui soumettre leur propre qualification.
Ensuite,
l’interrogation émise par Monsieur le Professeur Jacques NORMAND semble
commander une réponse susceptible d’emporter l’adhésion des plus réticents.
La partie
qui se trouve déboutée du fait que le juge n’ait pas requalifié,
« peut-elle lui reprocher sérieusement de n’avoir pas vu ce qu’elle
n’avait pas elle-même remarqué, peut-elle se plaindre d’un quelconque
arbitraire ou d’une rupture d’égalité au motif que, dans une espèce identique,
un autre plaideur aurait découvert ou son juge perçu à sa place le moyen qui
lui avait, autant qu’à son propre juge, échappé ? »[239].
Enfin, la
situation dudit plaideur ne serait pas irrémédiablement compromise dans la
mesure où il lui resterait la possibilité d’intenter une nouvelle action sur le
fondement inexploré.
Cette
nouvelle entreprise judiciaire s’effectuera certainement au prix d’un débat
acharné autour de la notion d’autorité de chose jugée.
Cependant,
nous inclinons à penser que le terme de cause que l’on trouve dans la lettre de
l’article 1351 Code civil[240]
contient, contrairement à la cause du litige que nous avons vu plus haut, le
fondement juridique, si bien que le risque de fin de non-recevoir[241]
doit être écarté.
§2 : L’office du juge et l’impartialité du tribunal
188. Dans
la deuxième partie de son développement, Raymond MARTIN soutient l’idée que le
fait pour le juge de requalifier méconnaîtrait un autre élément du droit à un
procès équitable qui est l’impartialité du tribunal.
Selon
l’auteur, si le juge « a connu de l’affaire avant la fin de son
instruction, il ne peut être objectivement impartial »[242].
Il s’agit
d’une conception pour le moins rigide de l’impartialité qui ne semble pas
correspondre à celle que s’en fait la Cour EDH.
En effet,
celle-ci, qui habitue les lecteurs de ses arrêts à beaucoup de subtilité,
paraît désormais s’attacher au rôle plus ou moins déterminant qu’aura tenu le
magistrat en cause lors des différentes phases du procès[243].
Ainsi,
seuls les juges qui auraient précédemment eu à se prononcer sur le fond d’une
affaire seraient concernés par le principe d’impartialité objective[244].
Or, si
nous nous plaçons sur le terrain de l’obligation pour le juge de requalifier au
cours de la procédure (lors de la mise en état, de l’audience ou durant le
délibéré), nous sommes par définition dans la même affaire et, jusqu’à l’issue
du litige, le juge n’aura rendu aucune décision tranchant sur le fond.
Au
surplus, avant de requalifier, le juge aura obligatoirement respecté le
principe de la contradiction permettant aux parties d’apporter leurs
observations.
Compte
tenu de ce qui précède, il nous est difficile de voir une rupture de l’égalité
des armes dans l’obligation de requalifier. Tout au contraire, c’est le
meilleur moyen d’assurer à chacun qu’il sera traité égalitairement devant la
justice.
Faire de
la faculté de requalifier le principe serait infiniment plus inéquitable.
188. Au terme de notre réflexion, nous sommes en mesure d’avancer que la réforme issue du décret du 28 décembre 1998 constitue une avancée importante pour la procédure civile.
Trois éléments plaident en faveur d’une telle affirmation.
En premier lieu, la réforme porte sur la qualification qui est une notion essentielle du droit procédural.
En second lieu, l’innovation en cause, qui consiste à obliger les plaideurs à ne déposer que des conclusions qualificatives, permet un meilleur respect des principes directeurs du procès civil.
En troisième lieu, la modification des articles 56, 753 et 954 du NCPC contribue à faire du litige, davantage encore, la chose commune du juge et des parties.
En effet, la qualification juridique est désormais obligatoirement proposée par les parties et validée par le juge.
Aujourd’hui, un exposé de faits non subsumés sous une règle de droit ne saurait recevoir l’appellation de conclusions.
Logiquement, ce nouvel état de la procédure devrait tendre vers une amélioration des décisions de justice, mieux fondées en droit.
189. Cependant, les choses ne sont pas si simples en pratique et le bénéfice théoriquement escompté passe nécessairement par une plus grande rigueur des magistrats dans la police de leur instance.
Il ne suffit pas d’édicter une règle, encore faut-il qu’elle soit respectée. La solution semble résider tout entière dans la réponse qui sera apportée à la question du choix de la sanction qu’entraînera le manquement des parties à leur obligation de qualifier.
Seule une volonté clairement affichée de faire disparaître des débats ces pâles écritures couronnera l’entreprise de succès.
Cette vigilance des magistrats serait, en outre, susceptible de rééquilibrer les tâhes aux yeux des observateurs pour lesquels cette réforme n’a pas d’autre ambition que le confort des juges.
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59.
- DOUCEDE, MAURICE et EYMARD : Observation sous TGI Draguignan, 8 avr. 1987 : Gaz. Pal. 1990, doct., 223.
- Drai (P) et Bolard (G) : Justice
hâtive, justice rapide : JCP G 1997, I, 4061.
- EUDIER (F) : Note sous Civ. 2ème, 8 juin 1995 : D. 1996, jur. p. 247.
- EUDIER (F) : Note sous Civ. 2ème, 14 mai 1996 : D. 1998, 395.
- FRANC : Conclusions sous CE, 12 oct. 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France : JCP éd. G 1980, II, 19288
- FRISON-ROCHE (MA) : Les offices du juge : in Mélanges foyer, PUF, 1997, p. 463.
- FRISON-ROCHE (MA) : Gaz. Pal. 1989, 2, somm. 464.
- FRISON-ROCHE (MA) : Note sous Civ. 2eme, D. 1989, 609.
- GAUTIER (P.Y.) : Note sous Civ. 1ère 27 nov.
2000 : JCP éd. G 2001, I, 287.
- GHESTIN (J) : Le mandat d’intérêt commun, in mélanges DERRUPE, Litec, 1991.
- GUINCHARD (S) et MOUSSA : Note sous Civ. 2ème, 14 fév. 1985, Gaz. pal. 1985, 2, 640.
- GUINCHARD (S) : L’ambition d’une justice civile rénovée : D. 1999, chron. p. 68.
- GOBERT : Note sous Civ. 1ère 27 nov. 2000 : Petites Aff. 8 déc. 2000, p. 4.
HAMON (L) et LEVASSEUR (G) : Note sous Cons. Constit. DC n°75-56, 23 juill.1975 : D. 1977, 629.
- HANNOUN (Ch.) : Observations
sur les nouvelles exigences de forme dans les écritures des parties :
Gaz. Pal. 15 juin 1999, doctr. p. 12.
- HEBRAUD (P) : RTD civ. 1962, 155 ; RTD civ. 1966, 126.
- HERON (J) :
RGDP 1999, p. 80.
- HUET (J) : Observations sous Civ. 1ère 15 oct. 1985 : RTD civ. 1986, 759.
- JULIENS : Observations sous Civ. 1ère, 22 fév. 1978 : D. 1978, IR 42.
- JULIEN : Note sous Civ. 2e 9
janv. 1991 : D. 1992, somm. 129.
- KESSOUS : Conclusions sous sous Cass. avis n°5, 10 juill. 2000 : BICC 15 sept. 2000.
- LABRUSSE-RIOU (C) : Note sous
Civ. 1ère 27 nov. 2000, Perruche :
D. 2000, n°44, p. III.
- LECHARNY, REGNIER et VERDUN :
Observation sur le décret du 28 décembre 1998 : Gaz. Pal. 1999, doctr. p.
208.
- LE CLERE (J) : Les
clauses volontairement ambiguës dans les chartes-parties, DMF 1962.
- LEVENEUR (L) : Note sous Cass. com. 16 mars 1993 : Contrats, conc., consom. 1993.
- MARTIN (R) : Le double langage de la prétention :
JCP 1981, I, 3024.
- MARTIN (R) : Le juge devant la prétention : D. 1987, chron. p. 35.
- MARTIN (R) : D. 1987, chron. p. 272.
- MARTIN (R) : Le juge a-t-il l’obligation de qualifier ou de requalifier ? : D. 1994, chron. p. 308.
- MARTIN (R) : A propos du rapport de M. Jean-Marie COULON, réflexion et propositions sur la procédure civile : Rev. huissier, 1997, 418.
- MARTIN (R) : Une nouvelle perspective pour la procédure civile : JCP éd. G 1997, actualités.
- MARTIN (R) : Un autre procès civil ou est-il interdit de rêver ? : RTD civ. 1994, 557.
- MARTIN (R) :Observation sous Com., 2 mai 1983, JCP éd. G 1986, II, 20691.
- MARTIN (R) : L’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme contre l’article 12 du nouveau code de procédure civile : D. 1996, chron. p. 20.
- MARTIN (R) : A propos des conclusions qualificatives, JCP éd. G 1997, I, 4036.
- MARTIN (R) : Conclusions de dernière heure et dernières conclusions, D. 2000, jur. p. 121.
- MASSIP (J) : Note sous CA Versailles 25 janv. 1990 : Gaz. Pal. 1991, somm. 40.
- MAZAUD (D) : Note sous Civ. 1ère 27 nov. 2000 :
- MEMETEAU (G) : Note sous Civ. 1ère 27 nov.
2000 : JCP éd. G, I, 279.
- MIGUET (J) : Réflexions sur le pouvoir des parties de lier le juge par les qualifications et points de droit, in Mélanges Pierre HEBRAUD, 1981, Dalloz.
- MOTULSKY (H) : Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 : D. 1972, chron. XVII, p. 98, n°33.
- MOTULSKY (H) : La
cause de la demande dans la délimitation de l’office du juge : D.
1964, chron. 235.
- NORMAND (J) : note sous Civ. 1ère, 7 juill. 1981 : RTD civ. 1982, 461.
- NORMAND (J) : Observations sous Civ. 2ème, 7 mars 1985 : RTD civ. 1986, 795.
- NORMAND (J) : note sous Civ. 1ère, 16 avr. 1991 : RTD civ. 1992, 175.
- NORMAND (J) : note sous Com., 18 et 23 juin 1992 : RTD civ. 1993, p.413.
- NORMAND (J) : note sous Civ. 1ère, 30 janv. 1996 : RTD civ. 1996, 463.
- NORMAND (J) : note sous Civ. 3ème, 3 avril 1997 : RTD civ. 1998, 461.
- NORMAND (J) : note sous Soc., 11 fév. 1997 : RTD civ. 1998, 462.
- PERDRIAU (A) : Les termes du litige au regard de la cour de cassation : gaz. pal. 1997, doct. P. 670.
- PERDRIAU (A) : Gaz. pal. 30 avril/1er mai 1999 p. 10.
- PERDRIAU (A) : Note sous CEDH, 21 mars 2000, DULAURANS c/ France : JCP éd. G, 2000, II, 10344.
- PERROT (R) : Observations sous Civ. 1ere 13 oct. 1976 :RTD Civ. 1977, p. 628.
- PERROT (R) : Note sous Soc. 16 févr. 1977 : RTD civ. 1977, 825.
- PERROT (R) : Observations sous Civ. 3ème 19 déc. 1977 : RTD Civ. 1978, p. 738.
- SARGOS (P) : Rapport sous Civ. 1ère, 30 janv. 1996 : JCP éd. G 1996, II, 22608.
- SAVATIER (R) : Note sous Req. 16 juill. 1928 : DP 1929, I, 33.
- SAVATIER (R) : Note sous Req. 16 juill. 1928 : DP 1929, I, 33.
- SENE : Note (Conseiller rapporteur) sous Cass. avis n°5, 10
juill. 2000 : BICC 15 sept. 2000.
- TAVERNIER : Observation sous CEDH, aff. ÖZTÜRK c/ RFA, 21 fév. 1984, Série A, n°73 : JDI 1986, p. 1051.
- TERRE (F) : Note sous Civ. 1ère 27 nov. 2000 : JCP éd. G 2000, p. 2267.
- THIERRY : Note sous CEDH, Mazurec, 1er fév. 2000 : D. 2000, 332.
- VINEY (G) : Note sous Civ. 1ère 27 nov. 2000 :
JCP éd. G 2001, I, 286.
- ANONYMES :
- Crim. 8 juill. 1958 : Bull. crim. n°528, p. 929.
- Civ. 3ème, 23 mars 1966 : Bull. 1966, I, p. 157.
- Soc. 19 mai 1967 : Bull. civ. IV, n°406.
- Civ. 3ème, 5 avril 1968 : Bull. civ. III, n°162.
- Civ. 3ème, 30 avril 1969, Bull. 1969, III, 264.
- CEDH, aff. ENGEL c/ Pays-Bas, 8 juin 1976, Série A, n°22.
- Soc. 16 févr. 1977 : Gaz.
Pal. 1977, 1, somm. 189.
- Civ. 2ème, 30 nov. 1977 : Bull. civ., II, n°225.
- Civ. 1ère, 7 juill. 1981 : Bull. civ. I, n°250.
- Civ. 2ème, 9 fév. 1983 : Bull. civ., II, n°36.
- Com. 2 mai 1983 : Bull. civ. IV, n°126, p. 109.
- Crim., 14 juin 1984 : juris-data n°000972.
- Civ. 2ème, 30 janv. 1985 : Bull. civ., II, n°23 ; D. 1985, IR 349.
- Civ. 2ème, 7 mars 1985 : D. 1986, IR 16.
- Civ ; 1ère, 18 janv. 1989 : Bull. civ. I, n°18.
- Civ. 2ème, 15 mars 1989 : Bull. civ., II, n°72.
- Soc., 20 juin 1990 : Bull. civ., V, n°310.
- Civ. 2ème, 12 juin
1991 : JCP éd. G 1991,
IV, p. 315.
- Civ. 1ère, 16 juin 1993 : Bull. civ., I, n°224 ;
D. 1994, 210.
- CEDH, 23 juin 1993, RUIZ MATEOS c/ Espagne, série A, n°262 :
- Civ. 2ème, 26 mars
1997 : JCP éd. G, IV,
1089.
- Cass. com., 3 juin 1998 : JCP éd. G, IV, 2648.
- Civ. 1ère, 7 oct. 1998 : Bull. civ., I, n°282.
- Ordo. de référé du 1er Prés. C.A. Aix, 12 juill. 1999, Sté C.N.I.M. c/ C.P.A.M. du Var et autres.
- Pour une procédure civile rénovée : un an d’application du décret du 28 décembre 1998, Gaz. Pal. 7 sept. 2000.
- Civ. 1ère, 4 oct. 2000 : Arrêt n°1426 FS-P+B+R.
SECTION 1 : Définition de la qualification………………………………………………7
§1 : Le processus de qualification……………………………………………………….7
A/ Les catégories juridiques……………………………………………………………8
B/ Le rattachement des faits à une catégorie juridique……………………………….10
§2 : Les difficultés liées au processus de qualification………………………………...11
A/ La flexibilité des catégories juridiques……………………………….……………12
B/ Les situations hybrides……………………………….……………………………13
SECTION 2 : Historique de l’obligation de qualification……………………………….16
§1 : La déontologie de l’avocat………………………………………………………...16
§2 : La législation………………………………………………………………………17
SECTION 1 : Les finalités de la qualification au regard des règles du procès civil……..19
§1 : Qualifier permet de respecter les principes directeurs du procès civil…………….20
A/ Le principe dispositif………………………………………………………………20
B/ Le principe de la contradiction…………………………………………………….22
§2 : Qualifier permet de déterminer le régime procédural applicable………………….23
SECTION 2 : Qualifier permet de déterminer le régime juridique applicable au fond du droit……………………………….……………………………………………….……..24
SECTION 3 : Qualifier permet d’améliorer le rendement de la justice………………….26
TITRE 2 : DE L’OBLIGATION DE QUALIFICATION ISSUE DE LA REFORME DU 28 DECEMBRE 1998……………………………….…………...28
SECTION 1 : Les moments de la qualification……………………………….…………28
§1 : L’assignation……………………………….……………………………………...28
§2 : Les conclusions……………………………….…………………………………...29
A/ Les conclusions de dernière minute……………………………….………………30
B/ Les conclusions récapitulatives……………………………….…………………...31
1-La reprise de la qualification durant l’instance……………………………….…..31
2-La reprise de la qualification en appel……………………………….……………33
SECTION 2 : L’obligation de qualification dans la procédure contentieuse sans représentation obligatoire……………………………….………………………………..34
§1 : Les modes de saisine……………………………….……………………………...35
§2 : L’oralité……………………………….…………………………………………...37
SECTION 1 : La nécessité de sanctions
rigoureuses…………………………………….38
§1 : Le choix entre nullité pour irrégularité de fond ou nullité pour vice de forme……39
A/ Les termes du débat……………………………….………………………..39
B/ La solution qui pourrait être retenue……………………………….……………...42
1-Le défaut de qualification dans les écritures…………………………………...…42
2- La mauvaise qualité de la qualification dans les écritures………………………..44
§2 : La responsabilité des professionnels du droit……………………………………...46
A/ La responsabilité professionnelle des avocats et des avoués……………………...46
B/ La sanction disciplinaire de l’avocat………………………………………………48
SECTION 2 : Les dangers du choix de sanctions rigoureuses…………………………..49
§1 : Les dangers pour la procédure civile………………………………………………49
A/ Le risque de déni de justice et de condamnation par la Cour EDH……………….49
B/ Le risque de conflit avec l’office du juge…………………………………………50
§2 : Les dangers pour la procédure sans représentation obligatoire……………………51
SECTION 1 : Les éléments du débat…………………………………………………….55
§1 : Les textes…………………………………………………………………………..56
A/ Argumentation pro obligation de requalifier……………………………………...56
B/ Argumentation contra obligation de requalifier…………………………………...56
§2 : La jurisprudence…………………………………………………………………...58
A/ Jurisprudence pro obligation de requalifier……………………………………….58
B/ Jurisprudence contra obligation de requalifier…………………………………….59
§3 : Les arguments téléologiques………………………………………………………60
A/ Arguments pro obligation de requalifier…………………………………………..60
B/ Arguments contra obligation de requalifier……………………………………….61
SECTION 2 : Essai de synthèse…………………………………………………………62
§1 : L’office du juge en l’absence de qualification des écritures………………………63
A/ La représentation est obligatoire…………………………………………………..63
B/ La représentation n’est pas obligatoire……………………………….……………64
§2 : L’office du juge en présence de qualification dans les écritures…………………..64
A/ Le rôle du juge……………………………….…………………………………….65
B/ Un devoir de requalification étendu……………………………….………………65
SECTION 1 : Conséquences de la requalification par le juge du fond…………………..68
§1 : La requalification d’un élément non substantiel…………………………………..68
§2 : La requalification d’un élément substantiel……………………………………….68
SECTION 2 : Les sanctions du manquement du juge à son
obligation de requalifier…..71
§1 : Le contrôle de la Cour de cassation………………………………………………..71
A/ Un contrôle général……………………………….……………………………….71
B/ Un contrôle non absolu……………………………….……………………………73
§2 : La sanction de la Cour de cassation……………………………….………………75
CHAPITRE 1 : Les
limites du droit interne…………………………………………78
SECTION 1 : Les limites générales……………………………….…………….78
§1 : Le principe de l’immutabilité du
litige…………………….………………………78
A/ Définition de la notion d’objet du litige………………………………………….79
1/ Définition négative de la notion d’objet…………………………………………79
a-Différences entre objet et cause du litige……………………………………….79
b-Différences entre objet et prétention……………………………………………80
2/ Définition positive de la notion d’objet…………………………………………..81
B/ La mise en œuvre du principe d’immutabilité de l’objet vis à vis du juge………..81
1/ Contenu du principe………………………………………………………………81
2/ Les sanctions de l’inobservation du principe……………………………………..84
§2 : Le respect du principe de la contradiction entre le juge et les parties……………..85
SECTION 2 :Les limites spéciales………………………………………………………86
§1 : Article 12 alinéa 3. La liaison du juge par les parties quant au droit applicable…..86
§2 : Article 12 alinéa 4. L’amiable composition judiciaire…………………………….87
SECTION 1 : Les éléments de la discussion. Définitions
et enjeux……………………..89
§1 :
Définition de la notion de procès équitable………………………………………..89
§2 : Les enjeux de la discussion………………………………………………………..90
SECTION 2 : Confrontation de l’article 12 NCPC avec l’aricle 6§1 CEDH……………91
§1 : L’office du juge et l’égalité des armes…………………………………………….91
§2 : L’office du juge et l’impartialité du tribunal………………………………………93
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………..96
ANNEXES…………………………………………………………………………………..103
[1] J.L. BERGEL, Théorie générale du droit, Dalloz, coll. Méthode du Droit, 1996, n°275.
[2] H. MOTULSKY, Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 : D. 1972, chron. XVII, p. 98, n°33.
[3] Par exemple, art. 8, 213 et 222 al. 2 NCPC.
[4]
En effet, aucune disposition du NCPC n’interdisait aux parties de qualifier et
en pratique il a toujours été admis et même conseillé que les écritures des
plaideurs contiennent des qualifications. Cf. H. MOTULSKY : Ibid.
n°34.
[5] J.M. COULON, Réflexions et propositions sur la procédure civile, Coll. des rapports officiels, La Documentation Française, 1997.
[6] Ibid. p. 85.
[7] Pour un autre point de vue, cf R. MARTIN, Les conclusions qualificatives à l’épreuve : JCP éd. G.
[8] Par exemple, bien que la procédure soit orale devant le JEX (Art. 13 Décr. 31 juill. 1992), les magistrats constatent le plus souvent l’utilisation de l’écrit.
[9] V. par ex. : 836 et 855 NCPC. L’assignation (art. 56 NCPC) étant, par définition, un acte de procédure écrit.
[10] G. BOLARD, Les écritures qualificatives : JCP éd. G 2000, I, 214, §4.
[11] Voir en ce sens : J.L. BERGEL, Théorie générale du droit, Dalloz, coll. Méthode du Droit, 1996.
[12] Ibid.
[13] P. ROUBIER, Théorie générale du droit, 2ème éd., Sirey, 1951, cité par J. L. BERGEL, op. cit.
[14] Sur ce point voir : J.L. BERGEL, op. cit. n°197.
[15] Art. 477 NCPC : Le jugement réputé contradictoire ne peut être frappé de recours que par les voies ouvertes contre les jugements contradictoires.
[16] J.L. BERGEL, op. cit. n°194.
[17] Cf. infra
n°23.
[18] J.L. BERGEL, op. cit.
[19] M. VIRALLY, La pensée juridique, L.G.D.J. 1960, p. 11 et s.
[20] J.L. BERGEL, op. cit. n°275.
[21] J. MIGUET : Réflexions sur le pouvoir des parties de lier le juge par les qualifications et points de droit, in Mélanges Pierre HEBRAUD, 1981, Dalloz p. 586.
[22] A certaines occasions, la Cour de cassation semble davantage juger en équité qu’en droit et force à ce point le rattachement à une catégorie juridique qu’elle va presque contre la loi. Cf. Arrêt PERUCHE du 27 nov. 2000 dans lequel la première Chambre a du mal à justifier la mise en œuvre d’une action en responsabilité civile, si ce n’est par la théorie de l’équivalence des conditions. V. les réf. Note n°112.
[23] En matière contractuelle également, certains entretiennent à dessein l’ambiguïté de leurs engagements ; voir pour le droit maritime : LE CLERE J., Les clauses volontairement ambiguës dans les chartes-parties, DMF 1962, p. 703.
[24] Les standards dans les divers systèmes juridiques, Actes du 1 Congrès de l’Association Internationale de Méthodologie Juridique, Aix-en-Provence, Sept. 1988.
[25] Il faut tout de même réserver le cas des sous-catégories, cf. supra n°16.
[26] En effet, l’art. 756 du C.P.P. dispose qu’il peut en « être référé » tandis que l’art. 710 du C.P.P. pose le principe selon lequel : « Tous incidents contentieux… sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ». Pour plus de précision sur cette question, voir L. CADIET : Note sous A.P. 5 avr. 1996, JCP éd. G 1996, II, 22676.
[27]
Sur cette question voir notamment le rapport de M. le Conseiller
CHARTIER : JCP éd. G
1996, II, 22676.
[28] Cf. Cass. Crim. 8 juill.
1958 : Bull. crim. n°528, p. 929.
[29] Sur la question des conséquences de la qualification : cf. infra n°46.
[30] CEDH, aff. ÖZTÜRK c/ RFA, 21 fév. 1984, Série A, n°73 : JDI 1986, p. 1051, obs. TAVERNIER.
[31] CEDH, aff. ENGEL c/ Pays-Bas, 8 juin 1976, Série A, n°22.
[32] Il s’agit des réductions de peine pour bonne conduite.
[33] Nous pouvons penser à l’hypothèse dans laquelle des prétentions qui reposeraient sur la qualification de peines seraient rejetées par une juridiction française.
[34] Art. 3 de la loi n°71-1130 du 31 déc. 1971.
[35] G. BOLARD et G. FLECHEUX : L’avocat, le juge et le droit, D. 1995, chron. p. 221.
[36] Cf. infra
n°90.
[37] Cité par G. BOLARD et G. FLECHEUX : op. cit.
[38] Dans une intention dilatoire, il arrivait parfois que les écritures soient volontairement vagues, pour troubler le travail du juge, et contiennent une demande d’expertise destinée à gagner un temps précieux.
[39] BENABENT, note sous CE 12 oct. 1979 : JCP 1980, II, 19288.
[40] V. toutefois pour une interprétation différente, R. MARTIN : D. 1994, chron. 308, n°4 et F. EUDIER : D. 1996, jur. p. 247, n°75.
[41] Décret lui-même largement inspiré du fameux rapport COULON : Réflexions et propositions sur la procédure civile, Coll. des rapports officiels, La Documentation Française, 1997 et notamment : La réforme du code de procédure civile, autour du rapport COULON, coll. Thèmes et commentaires, Dalloz, 1997.
[42] J.M. COULON : op. cit. p. 82.
[43] P. ESTOUP : La pratique des jugements, Litec, 2e éd. P. 209, cité par J.M. COULON, op. cit. p. 83.
[44] S. GUINCHARD : Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz action 2001/2002, n°2303.
[45] H.
MOTULSKY, La cause de la demande dans la
délimitation de l’office du juge : D. 1964, chron. 235, n°12.
[46] J. MIGUET : op. cit.
[47] Sur le développement de cette question Cf. infra n°127.
[48] Civ. 3ème, 10 oct.
1979 : Bull. civ. III, n°179.
[49] Sur ce point : Cf. infra, n°47.
[50] J. MIGUET : op. cit. p. 570.
[51] Sur ce point voir : M. de VILLIERS et TH. RENOUX, Code constitutionnel, Litec, 2001, p. 162 et s.
[52] CEDH, 23 juin 1993, RUIZ MATEOS c/ Espagne, série A, n°262.
[53] Cf. infra
n°48.
[54] Art. 272 al. 1 NCPC : La décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
[55] Ordo. de référé du 1er Prés. C.A. Aix, 12 juill. 1999, Sté C.N.I.M. c/ C.P.A.M. du Var et autres.
[56] J. GHESTIN : Le mandat d’intérêt commun, in mélanges DERRUPE, Litec, 1991, p. 105.
[57] Cass. com. 16 mars 1993 : Contrats, conc., consom. 1993, n°106, note L. LEVENEUR ; Bull. Civ., IV, n°109.
[58] Cf. supra n°172 le développement sur l’art. 12 al. 3 NCPC.
[59] CH. ATIAS, La fin d’un mythe ou la défaillance juridique : D. 1997, chron. p. 80.
[60] Réunion annuelle des Premiers Présidents de Cour d’Appel du 16 nov. 1995 : B.I.C.C. 1er mai 1996, n°249.
[61] J.J. BOURDILLAT, La réforme des conclusions récapitulatives ou la quête du succès improbable : D. 2000, chron. p. 427.
[62] Ibid.
[63] Voir ce point : R. MARTIN, A propos des conclusions qualificatives, JCP éd. G 2000.
[64] Voir : Pour une procédure civile rénovée : un an d’application du décret du 28 décembre 1998, Gaz. Pal. 7 sept. 2000.
[65] Cf. infra
n°68.
[66] Cf. infra
n°99.
[67] S. GUINCHARD : op. cit. n°1545.
[68] Voir cependant et pour une solution originale : R. MARTIN, Conclusions de dernière heure et dernières conclusions, D. 2000, jur. p. 121.
[69] Mme BIGNON : Pour une procédure civile rénovée : un an d’application du décret du 28 décembre 1998, Gaz. Pal. sept. 2000, n°250 à 251, p.19.
[70] Me S. COLIN : Ibid.
[71] Sur le fondement des art. L. 151-1 et s. COJ et 1031-1 et s. NCPC dont les critères de mise en œuvre impliquent une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.
[72] Cass. avis n°5, 10 juill. 2000 : BICC 15 sept. 2000, note du Conseiller rapporteur SENE, conclusions de l’Avocat général KESSOUS.
[73] Certains auteurs sont favorables à l’alignement de ces limites sur celles contenues dans l’article 783 NCPC qui concernent la recevabilité des conclusions déposées postérieurement à l’ordonnance de clôture.
[74] S. GUINCHARD : L’ambition d’une justice civile rénovée, D. 1999, chron. p. 68.
[75] Le texte réserve tout de même les moyens de pur droit et ceux qui sont nés de la décision attaquée.
[76] CEDH, 21 mars 2000, DULAURANS c/ France : JCP éd. G, 2000, II, 10344, note A. PERDRIAU.
[77] Art. 751 NCPC.
[78] Art. 10 L. 9 juill. 1991 et art. 11 et 12 Décr. 31 juill. 1992
[79] Déchéance de l’autorité parentale (art. 1203 NCPC), baux commerciaux (art. 29 Décr. 30 sept. 1953)…
[80] Voir cependant contra : TGI Draguignan, 8 avr. 1987, inédit, cité par DOUCEDE, MAURICE et EYMARD, Gaz. Pal. 1990, doct., 223.
[81] Art. 899 NCPC : Les parties sont tenues, sauf dispositions contraires, de constituer avoué.
[82] Notamment dans les matières suivantes : prud’hommes (R. 517-8 et R. 517-9 C. trav.), sécurité sociale (art. 142-28 COJ), baux ruraux (art. 892 NCPC), expropriation (art. L. 132-21 C. expr.), abandon d’enfant (art. 1163 NCPC)… Sur cette question, voir : S. GUINCHARD, op. cit., n°6035.
[83] En revanche, bien que le JEX soit saisi par assignation, les art.11 à 17 du Décr. 31 juill. 1992 ne renvoient pas à l’art. 56 NCPC.
[84] Cf. infra
n°68.
[85] Me COUPPEY, Pour une procédure civile rénovée : un an d’application du décret du 28 décembre 1998 : op. cit., p. 23.
[86] Cf. infra, n°125 et 133.
[87] Cf. infra,
n°100.
[88] Art. 843, 871, 882, 946 du NCPC, art. 13 Décr. 31 juill. 1992 et R. 516-6 C. trav. ; V. cependant en matière fiscale devant le TGI où la procédure est écrite sans représentation obligatoire.
[89] S. GUINCHARD : Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action 2001/2002, n°3520.
[90] Civ. 1ère, 22 oct. 1974 : JCP 1975, IV, 189, obs. MARTIN ; RTD civ. 1975, 594, obs. PERROT.
[91] Soc. 16 févr. 1977 : Gaz. Pal. 1977, 1, somm. 189 ; RTD civ. 1977, 825, obs. PERROT.
[92] Il faut noter que les parties doivent se présenter à l’audience ou s’y faire représenter à peine d’irrecevabilité de leurs écrits. La procédure devant le JEX est toutefois différente car l’art. 14 Décr. permet de renoncer à l’oralité.
[93] V. par ex. : S. GUINCHARD, L’ambition d’une justice rénovée : D. 1999, chron. p. 65 ; Ch. HANNOUN, Observations sur les nouvelles exigences de forme dans les écritures des parties : Gaz. Pal. 15 juin 1999, doctr. p. 12 ; L. CADIET : JCP éd. G 1999, I, 130 ; LECHARNY, REGNIER et VERDUN, Observation sur le décret du 28 décembre 1998 : Gaz. Pal. 1999, doctr. p. 208 ; J. HERON : RGDP 1999, p. 80.
[94] Civ. 2ème, 30 nov. 1977 : Bull. civ., II, n°225 ; Civ. 2ème, 15 mars 1989 : Bull. civ., II, n°72.
[95] G. BOLARD : JCP éd. G 2000, I, 214.
[96] Civ-2ème, 20 mai 1976 : D. 1977, p. 125, note CORNU.
[97] Civ. 2ème, 12 juin 1991 : JCP éd. G 1991, IV, p. 315.
[98] Civ. 2ème,
26 mars 1997 : JCP éd. G,
IV, 1089.
[99] Cass. com., 3 juin 1998 : JCP
éd. G, IV, 2648.
[100] G. BOLARD : op. cit.
[101] Ibid.
[102] Dans ce sens, M. MUNIER (Prés. du TGI de Rouen) : Gaz. Pal. 7 sept. 2000, p. 17.
[103] J. M. COULON : op. cit. p. 85.
[104] G. LEGIER : Droit civil, Coll. Mémentos, Dalloz, 14ème éd. 1993, p. 53.
[105] S. GUINCHARD : op. cit. n°1604.
[106] Art. 4 C. civ. : Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.
[107] Cf. supra n°20.
[108] G. BOLARD : op. cit. §9.
[109] Cf supra n°44.
[110]
V. notamment Civ. 1ère 27 nov. 2000, Perruche : D. 2000, n°44, p. III, note C. LABRUSSE-RIOU ;
ibid. p. V, note D. MAZAUD ; JCP
éd. G 2000, II, 10438, note F. CHABAS ; JCP éd. G, I, 279, note G.
MEMETEAU ; JCP éd. G 2000, p. 2267, note F. TERRE ; Petites Aff. 8
déc. 2000, p. 4, note GOBERT ; JCP éd. G 2001, I, 286, note G. VINEY ; ibid.,
287, note P.Y. GAUTIER.
[111] Art. 27 L. 31 déc. 1971 impose une assurance garantissant la responsabilité civile professionnelle de l’avocat.
[112] Art. 26 L. 31 déc. 1971 : Les instances en responsabilité civile contre les avocats suivent les règles ordinaires de procédure.
[113] Art. 1147 C. civ. : Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
[114] V. par ex. à propos d’un journaliste : Civ. 1ère, 2 févr. 1994, JCP 1994, II, 22294, note DELEBECQUE.
[115] Civ. 1ère, 7 oct. 1998 : Bull. civ., I, n°282 ; Civ. 1ère 15 oct. 1985 : RTD civ. 1986, 759, obs. J. HUET.
[116] La même réflexion peut être tenue au sujet de l’huissier de justice.
[117] Art. 183 Décr. 27 nov. 1991.
[118] Ex. de condamnation d’un avocat ayant affirmé à un client qu’il plaiderait personnellement son affaire alors qu’il savait qu’il ne pourrait se rendre à l’audience : Civ. 1ère, 11 juill. 1983 : Gaz. Pal. 1984, 152, note DAMIEN.
[119] Art. 184 Décr. 27 nov. 1991.
[120] Art. 195 Décr. 27 nov. 1991.
[121] Cf. supra n°62.
[122] Cf. supra réf. note n°76.
[123] Cf. supra n°44.
[124] H. MOTULSKY, Prolégomènes pour un futur Code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 : D. 1972, chron. XVII, p. 98, n°33.
[125] Le Doyen G. CORNU y décèle « une pointe civile inquisitoriale » : Les principes directeurs du procès civil par eux-mêmes, Mélanges Bellet, p. 87.
[126] Art. 143 NCPC : Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible.
[127] J. NORMAND, Les principes directeurs du procès : J-CL Proc. Civ., Fasc. 152, p. 8, n°30.
[128] Civ. 3ème, 23 mars 1966 : Bull. 1966, I, p. 157 ; Civ. 3ème, 30 avril 1969, Bull. 1969, III, 264.
[129] V. cependant Cass. com., 18 et 23 juin 1992 : Bull ; civ ; 1992, IV, n°47 et 244, p. 34 et 170 ; RTD civ. 1993, p.413, note critique J. NORMAND où la Haute cour semble interdire au juge de requalifier en raison du principe d’immutabilité de l’objet du litige.
[130] J. NORMAND : RTD civ. 1991, p. 153.
[131] Nous ne comptons pas l’alinéa abrogé par la décision du Conseil d’Etat du 12 oct. 1979.
[132] F. EUDIER, note critique sous Civ. 2ème, 8 juin 1995 : D. 1996, jur. p. 247.
[133] Selon J.L. BERGEL, de tels arguments ne vaudraient que pour écarter une disposition exceptionnelle et retourner au principe ou comme argument d’appoint, en complément d’autres arguments : op. cit. p. 245.
[134] CE, 12 oct. 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France : JCP éd. G 1980, II, 19288, concl. FRANC, note J. BORE.
[135] CROZE et MOREL : Procédure civile, n°167.
[136] J. HERON : Droit judiciaire privé, n°229.
[137] G. CORNU : Les principes directeurs du procès par eux-mêmes, in Mélanges BELLET, p. 89.
[138] V. notamment, R. MARTIN, Le juge a-t-il l’obligation de qualifier ou de requalifier ? : D. 1994, chron. p. 308.
[139] R. MARTIN : op. cit. et loc. cit.
[140] R. MARTIN : op. cit. et loc. cit.
[141] Civ. 1ère, 10 mai 1995 : Rev. crit. DIP 1996, 330, obs. B. A. ; D. 1996, 622, note ENGEL et SINOPOLI.
[142] Civ. 1ère, 30 janv. 1996 : JCP éd. G 1996, II, 22608, rapp. SARGOS ; RTD civ. 1996, 463, obs. NORMAND.
[143] Civ. 1ère, 16 avril 1991 : JCP éd. G, IV, 237 ; D. 1993, 186, note Ph. BRETAUDEAU.
[144] Civ. 1ère, 16 juin 1993 : Bull. civ., I, n°224 ; D. 1994, 210.
[145] Civ. 1ère, 22 avril 1997, Demaria : Bull. civ. I, n°127, p ; 84 ; JCP éd. G 1997, II, 22944 note G. BOLARD.
[146]
CJCE, 11 juill. 1991,
VERHOLEN : Rec. I, 3757, concl. DARMON.
[147] Cf infra n°184.
[148] Civ. 2ème, 30 janv.
1985 : Bull. civ., II, n°23 ; D. 1985, IR 349.
[149] Civ ; 2ème, 8 juin 1995 : D. 1996, 247, note F. EUDIER.
[150] Civ. 3ème, 3 avril 1997 : RTD civ. 1998, 461, obs. J. NORMAND.
[151] Com., 23 juin 1992 : RTD civ. 1993, 413, obs. critique J. NORMAND. L’auteur voit, dans rejet sur le fondement du principe de l’immutabilité du litige, une interdiction de requalification faite aux juges.
[152] Com., 14 nov. 1995 : Procédures 1996, n°143, obs. CROZE.
[153] Soc., 20 juin 1990 : Bull. civ., V, n°310.
[154] Soc., 11 fév. 1997 : RTD civ. 1998, 462, obs. J. NORMAND.
[155] Cf supra n°108.
[156] M. A. FRISON-ROCHE, Les offices du juge : Mélanges foyer, PUF, 1997, p. 469, sur l’office d’apaisement.
[157] H. MOTULSKY : op. cit., n°4.
[158] Cf supra n°60.
[159] R. MARTIN, Le juge a-t-il l’obligation de qualifier ou de requalifier ? : D. 1994, chron. p. 308.
[160] R. MARTIN, L’article 6-1 de la Convention… : D. 1996, chron. p. 20.
[161] CF supra n°83.
[162] Il était déjà acquis avant la réforme du Code de procédure civile de 1971 que le juge n’était pas tenu par la qualification des parties. Civ. 3ème, 5 avril 1968 : Bull. civ. III, n°162.
[163] R. MARTIN, A propos du rapport de M. Jean-Marie COULON, réflexion et propositions sur la procédure civile : Rev. huissier, 1997, 418 ; Une nouvelle perspective pour la procédure civile : JCP éd. G 1997, actualités ; Un autre procès civil ou est-il interdit de rêver ? : RTD civ. 1994, 557.
[164] F. EUDIER : op. cit.
[165] S. GUINCHARD : Méga Code de Procédure civile, Dalloz, 1999, p. 45, n°21.
[166] Cf. infra
n°151.
[167] Pour le souhait d’une procédure complètement accusatoire voir R. MARTIN : Un autre procès civil ou est-il interdit de rêver ? : RTD civ. 1994, 557.
[168] M. A FRISON-ROCHE : Gaz. Pal. 1989, 2, somm. 464 ; D. ALEXANDRE, note sous Civ. 1ère, 11 oct. 1988 : JDI 1989, 362.
[169] H. MOTULSKY, La cause de la demande dans la délimitation de l’office du juge : D. 1964, chron. 235.
[170] J. NORMAND : RTD civ. 1991, 159 (crit).
[171] J. NORMAND : RTD civ. 1998, 466.
[172] Art. 7 al. 2 NCPC : Parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions.
[173] Cf. infra
n°154.
[174] Sauf application des alinéas 3 et 4 de l’article12 cf. infra n°172.
[175] Ordo. référé Premier prés. CA Aix, 12 juill. 1999, inédit (reproduite en annexe).
[176] De la même manière, l’article 536 NCPC dispose que « la qualification inexacte d’un jugement par les juges qui l’ont rendu est sans effet sur le droit d’exercer un recours ».
[177] H. MOTULKY : op. cit. n°45.
[178] Art. 620 al. 2 NCPC : (la Cour de cassation) peut, sauf disposition contraire, casser la décision attaquée en relevant d’office un moyen de pur droit.
[179] Désiré DALLOZ : Répertoire 1847.
[180] Art. 12 al. 2 NCPC : (le juge) doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux…
[181] H. MOTULSKY, La cause de la demande… : op. cit.
[182] VINCENT : Procédure civile n°383.
[183] P. HEBRAUD : RTD civ. 1962, 155 ; RTD civ. 1966, 126. Pour cet auteur, la qualification et la règle de droit sont soudées à la cause.
[184] Cf. supra n°102.
[185] Cf. supra n°81.
[186] Com. 23 juin 1992 : RTD civ. 1993, 414, note (crit.) Jacques NORMAND.
[187] Civ. 1ère, 4 oct. 2000 : Arrêt n°1426 FS-P+B+R.
[188] Art. 5 C. civ. : Il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leurs sont soumises. Art. L. 151-1 COJ : L’avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande.
[189] Civ. 2ème, 9 fév. 1983 : Bull. civ., II, n°36.
[190] S. GUINCHARD : op. cit. n°6419.
[191] S. GUINCHARD : op. cit. et loc. cit.
[192] Civ. 1ère, 5 nov. 1985 et 16 avr. 1991 : cité par PH. BRETAUDEAU, Réticence dolosive du vendeur et garantie des vices cachés : D. 1993, jur. p. 186.
[193] PH. BRETAUDEAU : Ibid.
[194] Notamment M. CROZE et M. BRETAUDEAU.
[195] Cf. supra n°131.
[196] PH. BRETAUDEAU : op. cit.
[197] Les écrous de la roue avant droite avaient été soudés sur l’extrémité de la fusée en raison de l’usure de leur filetage.
[198] PH. BRETAUDEAU : Ibid.
[199] J. VINCENT, S. GUINCHARD0, G. MONTAGNIER et A. LARINARD : La justice et ses institutions, Dalloz, coll. précis, 4ème éd. 1996. n°836.
[200] Cf supra n°144.
[201] H. MOTULSKY : op. cit.
[202] V. en ce sens, Loïc CADIET : Droit judiciaire privé, Litec, 2ème éd. 1998, n°1070.
[203] Req. 16 juill. 1928 : DP 1929, I, 33, note R. SAVATIER, cité par L. CADIET, ibid.
[204] S. GUINCHARD : op. cit. n°2309. Dans le même sens : MOREL, p. 287, note1 « La demande est l’acte par lequel on saisit le juge d’une prétention ; la prétention est l’objet de la demande… »
[205] H. MOTULSKY : op. cit. n°32.
[206] Cf. art. 1156 à 1164 du C. civ.
[207] Le juge serait impuissant face à une bévue du demandeur qui solliciterait un droit auquel il ne saurait prétendre. « Le juge ne peut, de son propre chef, substituer à l’objet indu celui qu’il estime véritablement dû, dès lors au moins que le contenu concret des avantages que l’un et l’autre procurent est différent » : J. NORMAND, RTD civ. 1998, 464.
[208] Com. 2 mai 1983 : Bull. civ. IV, n°126, p. 109 ; D. 1987, chron. p. 35, Le juge devant la prétention, R. MARTIN.
[209] Civ. 2ème, 7 mars 1985 : D. 1986, IR 16 ; JCP 1986, II, 20589 note LINDON et BENABENT ; RTD civ. 1986, 795 obs. NORMAND, ou encore, Civ. 2ème, 14 mai 1996 : D. 1998, 395, note EUDIER.
[210] R. MARTIN : Ibid.
[211] En revanche, le juge ne pourrait y substituer une action en responsabilité contractuelle de l’art. 1147 C. civ. dans la mesure où les régimes seraient radicalement différents, notamment quant à la limitation du montant de l’indemnisation qui découle de l’article 1150 C. civ.
[212] Civ. 1ère, 16 avr. 1991 : RTD civ. 1992, 175, note NORMAND ; D. 1993, jur. p. 186, note BRETAUDEAU.
[213] En ce sens : Ph. BRETAUDEAU, ibid., n°17.
[214] Sur cette question, cf. J. NORMAND : J-CL proc. Civ., Fasc. 151, n°108 à 162.
[215] J. NORMAND : Ibid n°90.
[216] Soc. 19 mai 1967 : Bull. civ. IV, n°406, cité par J. NORMAND, Ibid. n°91.
[217] A titre d’exemple, lorsque le juge prononce son ordonnance de clôture (art. 782 NCPC) ou rejette des conclusions postérieures à celle-ci (art. 783 NCPC), le juge n’a pas à respecter une procédure contradictoire.
[218] Cf. supra n°72 in fine.
[219] J. NORMAND : J-CL proc. Civ., Fasc. 152, n°142, p. 26.
[220]
Civ. 1ère, 7 juill. 1981 :
Bull. civ. I, n°250 ; RTD civ. 1982, 461, note J. NORMAND.
[221] Cf. supra n°43 pour les conditions de mise en œuvre de cet article.
[222] En ce sens R. MARTIN : RTD civ. 1994, 557.
[223] D. BUREAU, L’accord procédural à l’épreuve : Rev. crit. DIP 1996, 587.
[224] « Préservez-nous de l’équité des Parlements ». Vieil adage consacré par la jurisprudence : Civ. 1ère, 18 janv. 1989 : Bull. civ. I, n°18.
[225] J. MIGUET : op. cit.
[226] J.P. BROUILLAUD, Plaidoyer pour une renaissance de l’amiable composition judiciaire : D. 1997, chron. p. 234.
[227] Ibid.
[228] V. Cons. Constit. DC n°75-56, 23 juill.1975 : D. 1977, 629, note L. HAMON et G. LEVASSEUR.
[229] Essentiellement R. MARTIN, L’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme contre l’article 12 du nouveau code de procédure civile : D. 1996, chron. p. 20.
[230] CEDH, Neumeister, arrêt du 27 juin 1968, série A, n°8.
[231] J. L. CHARRIER : Code de la convention européenne des droits de l’homme, Litec, 2000, p.106.
[232] Crim., 14 juin 1984 : juris-data n°000972.
[233] CEDH, Mazurec, 1er fév. 2000 : D. 2000, 332, note
THIERRY.
[234] R. MARTIN : op. cit.
[235] En ce sens : G. BOLARD, S. GUINCHARD et J. NORMAND.
[236] R. MARTIN : op. cit.
[237] Seuls deux principes ne souffrent aucune entorse. L’art. 3 CEDH (Interdiction de la torture) et l’art. 4 CEDH (Interdiction de l’esclavage et du travail forcé).
[238] Cf supra n°131.
[239] J. NORMAND : RTD civ. 1996, 698.
[240] Art. 1351 C. civ. : L’autorité de la Chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
[241] Art. 122 NCPC : Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
[242] R. MARTIN : op. cit.
[243] CEDH, Nortier, 24 août 1993, série A n°267 : D. 1993, somm. 37 obs. BECQUERELLE.
[244] A titre d’illustration, le juge des référés peut participer à la juridiction de jugement sur le fond.